Le plaignant dans l’affaire du dépôt de plainte contre l’islamologue Saïd Djabelkhir, le Dr Abderrezak Bouidjra a tenté hier de justifier son action en évoquant l’ampleur qu’aurait prise cette initiative : «Il est du devoir de chacun d’entre nous de refuser de suivre ses idées ou les orientations qu’il veut donner aux interprétations» dit-il. Reconnaissant que plusieurs acteurs de la société civile ont pris effet et cause pour l’islamologue, le plaignant appelle la justice à «appliquer les lois en vigueur» contre ce dernier en s’appuyant sur l’article 144 bis 2, relatif à l’offense à l’islam.
Il faut rappeler que l’article 144 bis 2 du code pénal stipule : «Est puni d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de 50 000 DA à 100 000 DA, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque offense le Prophète (paix et salut soient sur Lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’Islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen».
De son côté, l’islamologue a tenu à apporter les précisions suivantes dans un post publié mardi dernier. «Je crois que c’est la première fois qu’on poursuit un chercheur pour ses idées et son travail académique», s’exclame Djabelkhir dans un post publié mardi dernier.
Saïd Djabelkhir affirme n’avoir été «ni auditionné ni convoqué par la justice», et qu’il a appris la nouvelle de son procès par le biais de ses détracteurs qui ont largement relayé l’information sur les réseaux sociaux. C’est, en effet, un spécialiste en sécurité numérique et enseignant à l’université Djilali-Liabès de Sidi Bel-Abbès, du nom de Bachir Bouiadjra Abderrezak, qui a annoncé la nouvelle, dimanche dernier sur sa page Facebook où il a publié une photo au tribunal de Sidi M’hamed, en compagnie de plusieurs avocats qui se sont également constitués comme «plaignants».
L’enseignant en question ne s’est d’ailleurs pas limité à annoncer la date de la tenue du procès, puisqu’il incite, dans le même post Facebook, les Algériens à mener une large campagne contre Saïd Djabelkhir. «Je saisis cette occasion pour lancer un appel à tous les sympathisants à diffuser l’affaire, la soutenir et compatir, car la situation nécessite un large appui du public et des médias à travers tous les canaux d’infor-mation», a-t-il lancé.
L’islamologue qui se dit d’abord perplexe s’agissant du « non-respect de la procédure légale», comme il n’a pas été auditionné pendant l’instruction de l’affaire, considère «très grave» la campagne de lynchage que lancent contre lui ses détracteurs. «Lorsqu’on porte une affaire devant un tribunal, on laisse, en principe, la justice faire son travail.
Mais de là à lancer des appels, c’est quelque chose de très grave», dénonce-t-il. Djabelkhir ne comprend pas également comment il peut être poursuivi en justice pour des questions qui relèvent strictement du débat académique. «Je crois que c’est la première fois qu’on poursuit un chercheur pour ses idées et son travail académique. S’il y a un spécialiste dans le domaine qui voit les choses différemment, je souhaite qu’il m’apporte la contradiction de façon académique. Toutes les questions sont discutables et il n’y a pas de vérité absolue.
Porter plainte contre quelqu’un qui n’est pas de son avis est une chose jamais vue», soutient-il. Saïd Djabelkhir, fondateur du Cercle des lumières pour la pensée libre, comparaîtra le 25 février en cours devant la chambre correctionnelle du tribunal de Sidi M’hamed.
Mahmoud Tadjer