Se connecter avec nous

Entretien

Ahmed Nait El Hocine à Crésus: «18.949 accidents corporels de la circulation enregistrés en 2020 »

Publié

sur

 Entretien réalisé par Samia Acher

Ahmed Nait El Hocine, directeur du centre national de prévention et de sécurité routière (CNPSR) fait le bilan des accidents de la route et déclare que la mortalité sur les routes a connu une baisse de 13,16 %, par rapport à l’année 2019, épargnant la vie à 431 personnes.  Un bilan que le même responsable le a qualifié d «encourageant»

Il a  fait savoir, par ailleurs, que la capitale est classée en troisième position, parmi les wilayas les plus touchées par l’hécatombe routière, avec 122 personnes décédées. Il est revenu sur le facteur humain qui est selon lui, à l’origine de 95 % des causes d’accidents.

Crésus : Donnez-nous un bilan exhaustif des accidents de la circulation routière durant l’année 2020 ?

Ahmed Nait El Hocine : Concernant le bilan de l’accidentalité, il importe de signaler que 18.949 accidents corporels de la circulation routière ont été comptabilisés durant l’année 2020, soit 3.558 accidents de moins par rapport à l’année 2019, situation qui a influé positivement sur les autres indicateurs de la sécurité routière, au niveau national. En effet, la mortalité routière a baissé de 13,16 %, comparativement avec l’année 2019, soit  431décès de moins.

Le nombre de personnes blessées sur nos routes a, quant à lui, à diminué de 16,68 % : 25.836 personnes, au cours de l’année 2020, contre 31.010 durant l’année 2019, soit 5.174 personnes blessées en moins.

Aussi, je ne manquerai pas de souligner, que les indicateurs de l’insécurité routière ont connu une sensible baisse, depuis l’année 2016, période qui coïncide avec la prise en charge du dossier « Sécurité Routière »par le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Locales et de l’Aménagement de Territoire.

En effet, l’analyse comparative des données de l’accidentalité entre les années 2015 et 2020 fait ressortir des gains considérables :

  • Une baisse de 46,17% des accidents corporels de la circulation routière, soit 16.250 accidents en moins.
  • Une baisse de 38,31% du nombre de personnes décédées, soit 1.766 vies épargnées.
  • Une baisse de 53,86% du nombre de personnes blessées, soit 30.158 blessés en moins.

En ce qui concerne, les tendances lourdes de bilan 2020, il ressort ce qui suit :

  • La prédominance des titulaires de permis de conduire probatoires :

Les conducteurs titulaires d’un permis de conduire de moins de deux (02) ans (Permis probatoire) ont été impliqués dans 3.350 accidents  corporels de la circulation routière au cours de l’année 2020, soit 17,68% de la totalité des conducteurs impliqués.

Cet  état de fait peut être expliqué, en grande partie, par le faible apprentissage à la conduite et le jeune âge des nouveaux titulaires des permis de conduire,  lesquels favorisent les comportements intempestifs et les postures dangereuses et irréfléchies en circulation.

  • L’implication grandissante des usagers des 2 roues :

Les motocycles sont signalés dans 3.674 accidents corporels enregistrés au cours de l’année  2020, soit 19,39% de l’accidentalité globale, en augmentation de 2.97% par rapport à l’année 2019.

  • La gente masculine principale victime de la route :

-84,58% des personnes décédées sur les routes au cours de l’année 2020 sont de sexe masculin, soit 2.370victimes.

-82,18 % des personnes blessées sur les routes sont de sexe masculin, soit 21.171 victimes

  • Les piétons : Les usagers les plus vulnérables en zones urbaines :

-Sur les 569 cas de décès enregistrés au niveau des zones urbaines au cours de l’année 2020, 263  d’entre eux étaient des piétons, soit 46.22% de la mortalité en milieu urbain.

-Sur  les15.854 personnes blessées au niveau des zones urbaines au cours de l’année 2020, 6.126 d’entre elles étaient des piétons, soit 38,64% des personnes blessées en milieu urbain.

  • Des axes routiers particulièrement accidentogènes :

L’autoroute Est-Ouest et la Route Nationale n° 01, en raison de la longueur de leur tracé et de la dangerosité de certains de leurs tronçons, ont comptabilisé le plus grand nombre d’accidents durant l’année 2020, avec respectivement 542et  238 sinistres enregistrés.

  • Des wilayas plus exposées à l’accidentalité :

Avec 779 accidents corporels enregistrés au cours de l’année 2020, la Wilaya d’Alger se positionne en troisième place  des Wilayas les plus touchées par l’hécatombe routière.

Toutefois, cet indicateur de l’accidentalité doit être relativisé au regard de la taille du parc automobile de la wilaya d’Alger  (1 483 093 véhicules, soit 15,75% du parc auto national), de l’étendue de son réseau routier (2.364 km, dont 65,44% routes communales), et de sa densité démographique (3.335418 habitants) et surtout de l’importance de sa population flottante.

En termes de gravité, il convient de faire remarquer que la Wilaya de M’sila a enregistré le plus fort taux de mortalité durant l’année 2020, avec 141 personnes décédées, sur les routes. En deuxième position on retrouve la wilaya de Sétif qui a enregistré 125 personnes décédées  et  suivi par la wilaya d’Alger en  troisième  position avec 122 personnes décédées.

  • L’excès de vitesse, la baisse de vigilance du conducteur et la perte de contrôle de véhicule, principales causes de la sinistralité en 2020:

L’excès de vitesse a été à l’origine de 3.249 accidents corporels, soit 17,15% des causes de la sinistralité, tandis que la baisse de vigilance du conducteur dans les quartiers est donnée  pour être la cause de 2.601 accidents, alors que  la perte de contrôle de véhicule est mise cause dans 1.259 cas d’accidents. Ces trois (03) facteurs, à eux seuls, constituent près de 38% des causes d’accidents enregistrés au cours de l’année 2020.

Telle est en somme la synthèse de ce bilan 2020.

Quelle lecture en faites-vous ?

Les résultats obtenus au cours de ces dernières années, dans le domaine de la sécurité routière, sont très encourageants, mais sont loin d’être satisfaisants, du fait que la facture humaine et économique des accidents de la circulation demeure exorbitante, voire préoccupante.

Les avancées réalisées dans ce domaine d’activité doivent être confortées par la définition d’une stratégie nationale de lutte contre ce phénomène avec des objectifs mesurables à court et moyen termes.

Vous avez souvent évoqué la mise en place de la délégation nationale à la sécurité routière. Pouvez-vous nous éclairer sur cette structure ? Et quand entrera-t-elle en service ?

La délégation nationale à la sécurité routière est devenue aujourd’hui une réalité puisque le projet s’est concrétisé à travers la promulgation du décret exécutif n° 19-303du 10.11.2019, définissant la nature, les missions, l’organisation et le fonctionnement de cette nouvelle entité.

Cet aspect organisationnel est très important, étant donné que c’est pour la première fois que notre pays s’est doté d’un organisme directeur de la sécurité routière.

En effet, les réponses apportées aux dangers de la route, par le passé, ont toujours été parcellaires, dans le sens où les secteurs concernés intervenaient individuellement sur certaines causes de la sinistralité, sans jamais faire de la route un sujet global, sans articuler ensemble la totalité des facteurs impliqués.

Cette absence de coordination entre les différents acteurs de la sécurité routière, qui a eu pour incidence une explosion de la sinistralité, a conduit les pouvoirs publics à adopter un cadre organisationnel novateur qui permettra d’aborder les problèmes de l’insécurité routière de façon systémique facilitera la mise en œuvre  d’une véritable politique publique de sécurité routière basée sur la concertation, le dialogue, la coordination et l’exploitation de toutes les opportunités et les gisements de progrès. Ce modèle d’organisation s’inscrit en droite ligne avec les recommandations internationales, notamment la résolution onusienne n° 68/269 du 10 avril 2014 portant sur l’amélioration de la sécurité routière mondiale ainsi que le plan mondial pour la décennie d’action pour la sécurité routière 2011-2020, lesquels invitent les états membres à mettre en place  un organisme directeur ou un système de gestion de la sécurité routière, qui fasse notamment appel à la coopération interministérielle.

Enfin, il convient de souligner que la délégation nationale à la sécurité routière a mutualisé les missions dévolues anciennement  à deux  établissements publics que sont le Centre National de Prévention et de Sécurité Routières et le Centre National des Permis de Conduire, avec en prime le rattachement de nouvelles missions dans le domaine de la surveillance et du contrôle, du fait qu’elle sera habilitée à gérer le système du permis à points ainsi que le fichier des immatriculations.

Ces prérogatives élargies font de la délégation nationale à la sécurité routière un organisme leader, situation qui facilitera l’évaluation de son action et mettra fin à la dilution des responsabilités vis-à-vis du dossier de l’insécurité routière.

Je voudrai rajouter à la fin, que cette nouvelle entité n’est pas totalement opérationnelle, du fait que nous nous trouvons présentement en phase de transfert des personnels et biens   des deux établissements précités.

Selon les statistiques officielles, concernant les causes des accidents de la route, il s’avère que 95% sont dus au facteur humain, quant à certains experts, ils  déclarent que l’état des routes est parfois à l’origine de graves accidents. Quel est votre commentaire à ce sujet ?

En effet, le facteur humain est continuellement donné pour être à l’origine de 95 % des causes d’accidents, constat qui repose sur les enquêtes d’accidents menées par les services de police et de gendarmerie nationale, situation qui confère de la crédibilités aux données communiqués par la délégation nationale à la sécurité routière.

Si l’on décortique ce facteur humain, plusieurs éléments constitutifs peuvent être mis en avant, notamment le nom respect des règles de la circulation routière, plus particulièrement l’excès de vitesse qui a été à l’origine de 3.249 accidents corporels au cours de l’année 2020, soit 17,15% des causes de la sinistralité. Par ailleurs, la baisse de vigilance du conducteur dans les quartiers est donnée pour être la cause de 2.601 accidents, alors que la perte de contrôle de véhicule est mise en cause dans 1.259 cas d’accidents.

Ces trois  facteurs, à eux seuls, constituent près de 38% des causes d’accidents enregistrés au cours de l’année 2020.

Il est vrai que l’état de la route constitue également un facteur d’accident, toutefois il ne peut être prépondérant si les usagers de la route s’astreignent aux règles de la circulation routière, plus particulièrement les limitations de vitesse.

Vous n’avez ménagé aucun effort pour organiser des campagnes de sensibilisation sur la sécurité routière qu’en est-t-il de ces campagnes du temps de la pandémie ?

Effectivement de nombreuses campagnes de sensibilisation routière ont été menées par la délégation nationale à la sécurité routière ces dernières années, avec des actions de proximité accomplies auprès des usagers de la route à travers l’ensemble du territoire national.

Ce volume d’activité à quelque peu baissé avec les mesures sanitaires adoptées par les pouvoirs publics dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19, toutefois la stratégie de la délégation nationale à la sécurité routière a été adaptée du fait que le recours aux réseaux sociaux a été privilégié.

Aussi de nombreux spots télévisés et radiophoniques ont été réalisés et diffusés, situation qui permis de toucher de nombreux usagers de la route.

Le  mot de la fin ?

J’invite l’ensemble des usagers de la route à faire preuve de vigilance et surtout au respect des règles de la circulation routière, leur adhésion est le socle de notre politique de sécurité routière.

 S.A

 

 

Continuer La Lecture
Cliquez pour commenter

Laisser une Réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Actualité

Denis Martinez : Il était une fois Aouchem C’est en pensant à Tahar Djaout et Youcef Sebti, qui étaient ses amis, que je me suis intéressé à l’artiste plasticien Denis Martinez, ancien professeur à l’école des Beaux-arts d’Alger.

Publié

sur

Et puis, en lisant sa notice biographique, j’apprends qu’il est né en 1941 à Mostaganem, lieu de naissance d’un autre grand peintre, à savoir Mohamed Khadda, qui a représenté dans ses gravures et ses aquarelles, les troncs et les racines des oliviers des Ouadhias. Quelle coïncidence. Mais pas que, puisque Mostaganem, tout comme Ghazaouet a vu naitre d’autres grands artistes, de la scène cette fois entre autres Ould Abderrahmane Kaki et Abdelkader Alloula (né à Ghazaouet). Ces villes de l’Ouest sont des villes de culture et d’histoire.

Ce qui caractérise Denis Martinez, c’est, en plus de son œuvre picturale qui est magnifique, le fait qu’il a fait partie, au lendemain de l’indépendance, de ceux qu’on peut considérer comme les agitateurs culturels, comme il se rencontre de nos jours des influenceurs et des agitateurs sur les réseaux sociaux : les facebookeurs, les instragameurs, les tiktokeurs, les twiteurs, dont le rôle est prépondérants sur les phénomènes sociaux de mode , de tendances vestimentaires ou autres, et même la façon de penser des nouvelles générations.

Ce groupe dont a fait partie le jeune artiste plasticien Denis Martinez, avec ses amis Choukri Mesli et Mustapha Adnan, s’appelait le groupe Aouchem. Et ce qu’il y a lieu de signaler, c’est que ce groupe avait rédigé un manifeste. Donc, à la base, il y avait une pensée, des idées, un projet culturel, dans lequel on se donnait des racines et on se fixait des objectifs. C’est très sérieux, parce que ça fait penser aussi bien aux Amis du Manifeste de Ferhat Abbas, qu’au Manifeste des surréalistes d’André Breton. Non pas qu’Aouchem se rattachait sur le plan politique à Ferhat Abbas, ni qu’ils s’affiliaient à la doctrine surréaliste, mais je parle ici de la démarche… Je veux dire, qu’au lendemain de l’indépendance, en plein bouillonnement culturel et d’autres questionnements sur le modèle de société à bâtir, il y eut un groupe de jeunes artistes plasticiens algériens qui prenaient la peine et le temps de se structurer, de penser leur mouvement, de réfléchir au sens à donner à leur travail de création, au sein de la jeune société. Dans le même temps, des écrivains algériens créaient  l’Union des écrivains algériens, avec des auteurs comme Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Assia Djebbar, Moufdi Zakaria, Malek Haddad…

Aouchem veut dire Tatouage. Il fait référence aux motifs géométriques pratiqués à la surface du corps et dans lesquels on introduit des matières colorantes. Denis Martinez, pour sa part, va encore plus loin, puisqu’il élargit l’éventail aussi bien à l’art pariétal du Tassili, au talisman, au totem, aux masques africains, aux caractères du Tifinagh, aux arabesques, à la calligraphie arabe… Ainsi, on apprend que chez Denis Martinez, «Des totems, talismans, figurines et masques ont longtemps balisé des parcours fléchés comme autant de cheminements initiatiques, puisant dans l’héritage de l’Antiquité africaine et de l’artisanat maghrébin les motifs d’un langage esthétique».

Sous la pression des événements tragiques de la décennie quatre-vingt-dix, Denis Martinez s‘était établi à Marseille, au Sud de la France,  mais au début des années 2000, il est revenu en Algérie, pour se ressourcer à l’air vivifiant de sa terre natale, s’inspirant des signes ancestraux pour irriguer de leur sève et de leur énergie ce qui permettait de bâtir un langage esthétique nouveau. D’où l’exposition et le spectacle organisés récemment dans l’enceinte de la villa Abdelatif,  et intitulé «Actes de vie», ainsi que «Tretoir m’kessar».

Poète lui-même, Denis Martinez a aussi illustré les plaquettes de Jean Sénac, Tahar Djaout, Hamid Tibouchi, Djamel Amrani, Youcef  Sebti. Il est donc au carrefour d’une poly créativité féconde, allant de la palette du peintre aux planches des dramaturges, bâtissant une esthétique plurielle dans ce qu’elle a de beau, de généreux, de profondément africain  et maghrébin.

Ahmed B.

Continuer La Lecture

Entretien

Entretien avec Nadjib Ferhat : L’homme qui chuchote à l’oreille des fossiles Notre histoire a été écrite par les autres… Il était temps que des historiens et chercheurs algériens dépoussièrent les archives pour restituer la vérité sur notre passé, notre identité et notre personnalité. Avec Nadjib Ferhat, nous faisons une virée dans la préhistoire.

Publié

sur

Question : On dit que l’Afrique est considérée comme le berceau de l’humanité.

Réponse : Bien sûr, l’Afrique est incontestablement le berceau de l’humanité. Les plus anciens fossiles d’australopithèques sont connus sur le sol africain. On peut citer Lucy, un australopithèque daté de 3,2 millions d’années, ou bien l’homme de Toumaye, autour de quatre millions d’années. A partir de là, l’expansion humaine s’est faite dans plusieurs directions.

Question : Les recherches ont montré que la présence humaine est attestée depuis des millénaires dans la région du Maghreb. Y a-t-il une continuité de peuplement dans cette région du monde ?

Réponse : Bien sûr. Les travaux menés depuis les années cinquante par les préhistoriens ont été confirmés ces dernières années par la reprise et la continuité des fouilles sur les sites mêmes de An Ahnech et Ain Boucherit. Ce sont en fait un seul et même paléo lac autour duquel ont vécu des hommes il y a deux millions et quatre cent mille ans. C’est la plus ancienne date obtenue sur des ossements d’animaux (hippopotames, éléphants, ancêtres des chevaux, etc…) qu’on a connus au Maghreb. Depuis, le peuplement du Maghreb tout comme celui du Sahara fut un continuum ininterrompu jusqu’à nos jours.

Question : Vous avez employé, au cours d’une intervention, l’expression de capitale numido-romaine en parlant de Cirta, comme d’autres ont utilisé l’expression gallo-romaine… Quel fut l’apport des Numides à la civilisation romaine ?

Réponse : Vous savez, l’histoire est contée toujours avec certaines idées qu’on veut inculquer à l’apprenant. Je m’explique. L’histoire comme elle nous a été apprise dans notre jeunesse par les instituteurs du moment fait état de la civilisation grecque, et de la civilisation romaine, deux faits culturels majeurs qui ont imprégné le peuple autochtone du Maghreb. Ces mêmes livres d’histoire parlent d’arts musulmans, au lieu de culture musulmane, comme si l’arrivée des musulmans n’a pas apporté une véritable culture civiisationnelle avec elle. Les livres d’histoire en France parlent de culture grecque, mais à l’arrivée des Romains, on retrouve la notion de culture gallo-romaine, voulant ainsi dire à leurs apprenants que quand les Romains sont arrivés, ils avaient trouvé une culture gauloise qui était déjà présente. Nous partons du fait que les Romains n’ont pas colonisé le Maghreb en voulant s’y installer mais ont plutôt adopté une politique de romanisation des locaux. Ainsi donc, on peut dire que  ce ne sont pas les Romains qui ont bâti toutes les villes antiques ou laissé des vestiges de cette époque à travers le territoire, mais ce sont plutôt nos ancêtres numides qui les ont bâtis. C’est la raison pour laquelle il est judicieux de parler de culture numido-romaine de ces vestiges et non pas de culture romaine, afin de ne pas omettre l’apport des Numides.

Question : Certains ont une vision stratifiée de l’histoire du Maghreb, opposant les périodes les unes contre les autres… En quoi cette vision est-elle erronée ?

Réponse : L’histoire du peuplement du Maghreb est sans aucun doute un continuum depuis l’homo habilis représenté par l’homme de Ain Ahnech (Ain Boucherit) il y a 2,4 millions d’années à nos jours. Toutes les cultures et les civilisations qui sont venues par la suite se sont ajoutées à une souche préalablement présente. Ces arrivées multiples à travers l’histoire ont parfois été belliqueuses et d’autres fois amicales. En revanche, elles se sont toutes fondues avec les locaux, leurs descendants devenant eux-mêmes des locaux. Toute cette dialectique que l’histoire nous relate a un impact sur la spécificité de l’Algérien, tel qu’on le connait de nos jours. Ce n’est qu’en reconnaissant et en assumant toute son Histoire avec ses hauts et ses bas que l’Algérien pourra être fier de son passé, assurant son présent dans le concert des Nations et pouvant sereinement construire son avenir en toute confiance.

Question : Les amateurs d’archéologie et de préhistoire regrettent l’absence d’une revue de vulgarisation spécialisée. Le financement d’une telle revue est-il si difficile ?

Réponse : Vous savez, pour une revue, ce n’est pas la création qui est difficile. Je vais parler d’un exemple quasi personnel. J’ai collaboré il y a quelques années à une revue qui s’appelait Assekrem, du nom de l’un des plateaux du Hoggar. Cette revue se voulait une revue destinée au milieu estudiantin, mettant à sa disposition des articles traitant de diverses sciences mais dans un langage simplifié. Le problème de cette revue n’était point celui de trouver des auteurs d’articles. Toute personne à qui on s’adressait était contente de proposer un papier sans demander une contrepartie. Mais le problème était celui de son financement. Après une longue période de déficit, on a mis la clef sous la porte. En outre, il a existé une revue de haut standing scientifique et culturelle qui s’appelait Libyca, qui par un laisser-aller incompréhensible de la part du ministère de la culture, a fini par disparaitre. Actuellement, il y a une seule revue qui traite du patrimoine archéologique à l’échelle nationale, c’est une revue du mouvement associatif qui s’appelle Ikosim. Pour qu’une revue puisse exister et vivre, il y a lieu de mettre en place une véritable politique et une volonté de faire connaitre son patrimoine à la société, et bien entendu, cela doit être accompagné d’un soutien financier conséquent.

Question : Les gravures rupestres sont un atout touristique indéniable. Dans le même temps, on signale des dégradations. Quelles sont les mesures à prendre pour concilier le tourisme et la protection des sites ?

Réponse : Bien sûr, les gravures sont un atout touristique incontestable. Mais la mise en tourisme de tout le patrimoine fait partie d’une volonté politique. Cependant, la protection du patrimoine n’est pas seulement l’affaire de l’Etat et de ses structures, mais l’affaire de tous. Pour que le patrimoine culturel, archéologique notamment, soit admis et reconnu par tout un chacun, il est de première nécessité d’une part que les gens soient imprégnés de son importance, depuis la cellule familiale en passant par l’école jusqu’à la vie active. Et d’autre part, il faut que ce patrimoine ne soit plus considéré par les gestionnaires comme un handicap au développement socio-économique de leur région. Mais plutôt comme une valeur ajoutée à leur programme. Néanmoins, pour que ce patrimoine soit préservé, il faut que les populations qui vivent à proximité puissent y voir une source d’apport financier et qu’ils en vivent. Ce n’est que par le truchement et un mélange de tous ces ingrédients que le patrimoine archéologique sera reconnu et sauvegardé. Et c’est ainsi qu’il intégrera le développement socio-économique des territoires et des populations.

Ahmed B.

Continuer La Lecture

Actualité

Entretien avec Nadjib Ferhat : L’homme qui chuchote à l’oreille des fossiles Notre histoire a été écrite par les autres… Il était temps que des historiens et chercheurs algériens dépoussièrent les archives pour restituer la vérité sur notre passé, notre identité et notre personnalité. Avec Nadjib Mahfoud, nous faisons une virée dans la préhistoire.

Publié

sur

  Crésus : Avec vous, on entre de plain-pied dans les temps reculés de la préhistoire, à savoir le quaternaire. Que représente pour vous cette période géologique ?

Nadjib Ferhat : C’est une période qui représente pour moi, l’émergence de l’humanité. En effet, chacune des périodes géologiques connues, comme le primaire, le secondaire, le tertiaire et le quaternaire se distingue par l’apparition ou la disparition d’un fossile. Le quaternaire se distingue du tertiaire par l’apparition du fossile homme. C’est ce qui nous amène tout de suite à considérer le quaternaire comme étant la période où apparait l’homme, et l’étude du quaternaire implique directement l’étude de cet homme en tant que fossile géologique mais aussi comme producteur de culture. D’où la définition de la préhistoire : c’est l’étude de cet homme et de ses productions culturelles, depuis son apparition jusqu’à l’invention des écritures. Là où commence l’histoire.

Vous avez entre autres, travaillé sur les industries préhistoriques de la paléo vallée de Timimoune dans leur contexte stratigraphique. Peut-on résumer les résultats de ces recherches ?

C’est une recherche que j’ai menée fin des années 70, début des années 80, où j’ai eu le bonheur et la chance d’étudier la mise en place de la sebkha de Timimoune et la mise en place du grand Erg occidental en suivant l’évolution des installations humaines préhistoriques dans la région. Cela a permis de situer la disposition actuelle de la vallée de Timimoune en tant que sebkha depuis l’obstruction des eaux qui lui parvenaient de l’Atlas saharien par l’installation de l’actuelle Erg occidental. Cette disposition date de la civilisation atérienne, à savoir depuis quarante mille ans.

Vous avez également dirigé des fouilles archéologiques dans des sites des régions de Boussaâda et du Tassili Ajjer. Existe-t-il des ressemblances entre les deux sites ?

Le travail exécuté à Boussaâda en 76-77 a permis la confirmation de travaux antérieurs mettant en évidence une phase climatique aride située autour de treize mille ans, qui a eu pour conséquence l’obstruction et le remblaiement par des amas sableux de toute l’écluse (ouverture) du piémont sud de l’Atlas saharien. Ces travaux ont permis de démontrer une diminution des nappes d’eau et un déplacement des limites bioclimatiques dans cette région. Une culture préhistorique a été mise en évidence au sommet de ces remblaiements, celle d’une population ibéro-maurassienne qui occupait les lieux à ce moment-là (13 000 ans).  Par contre le travail sur le Tassili était beaucoup plus complexe, s’étalant sur de nombreuses années. Tout d’abord, il y eut une participation aux travaux de fouille du site de Tin Hanakaten, au sud du Tassili. Puis il y eut un second axe : pour une mise au point chrono-stratigraphique de l’art rupestre saharien par la conjonction d’une étude paléogéographique et géomorphologique en relation avec un art gravé dans l’oued Tidunadj (Tassili toujours). Cette étude menée en collaboration avec deux autres collègues a permis de démontrer que l’art rupestre saharien est paléolithique et non plus uniquement néolithique, comme beaucoup le croyaient jusqu’à une date récente. Maintenant, il est confirmé que l’art rupestre du centre du Sahara date au moins de l’aride pré-ocène, une période qui s’étale entre vingt et onze mille ans. En troisième lieu, j’ai eu la chance de diriger une fouille préhistorique sur une nécropole animale que nous avons datée du sixième millénaire. Cette nécropole s’étale sur 80 ha dans l’oued Maukhan (Tassili). Les travaux nous ont permis de mettre en évidence un rituel autour du bœuf que pratiquaient les hommes préhistoriques. Ces pratiques cultuelles se résumaient en la mise en terre dans des fosses de 80 cm à 1 m de diamètre sur 1,20 m de profondeur, différentes parties du jeune bœuf sacrifié en mettant la partie postérieure à la base, le reste de l’animal par-dessus avec quelque fois le crâne fiché au milieu de l’inhumation. (Le museau vers le bas). Tout comme nous avons mis en évidence que ces animaux étaient mis dans des sacs avant leur enterrement. Des traces de raclage de la chair sur des os nous permettent de croire que toute la chair était enlevée et que certains os étaient même calcinés, accompagnés de poterie et d’autres vestiges dans l’inhumation.

Dans les temps les plus reculés, le Sahara peut-il être considéré comme une mer intérieure ou plutôt comme un grand lac ? Quelles furent les conséquences de son assèchement sur l’évolution de l’homme ?

Depuis l’apparition de l’homme, le Sahara est dans l’état actuel, avec cependant des nuances, de déplacement des limites bioclimatiques, qui ont permis au Sahara, par moment de gagner en humidité, devenir un peu plus clément pour l’habitat (hommes, animaux, végétation), donnant des paysages certes un peu plus vert mais limités dans l’espace. Par d’autres moments, d’intenses périodes arides et sèches ont affecté le milieu saharien. C’est cette aridité qui a été le facteur le plus imposant et le plus déterminant dans l’évolution climatique du Sahara. L’actuelle aridité est présente depuis au moins les deux derniers millénaires.

(Suite de l’entretien dans l’édition de demain)

Ahmed. B

Continuer La Lecture

Trending