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Entretien

Hoang Duc Nhuan à Crésus: «Le tourisme algérien connaitra un fort développement»

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Réalisé par Sarra Chaoui

Hoang Duc Nhuan est chargé des affaires commerciales au niveau de l’ambassade du Vietnam en Algérie. Dans cet entretien, il revient sur les échanges commerciaux réalisés entre l’Algérie et le Vietnam ainsi que l’impact de la covid sur ces derniers. Dans un contexte de diversification de l’économie, il nous livre sa vision de son évolution vis à vis du Vietnam.

Est-ce que le service commercial fonctionne avec le Covid-19 au Vietnam?

Oui, bien sûr. Outre l’Algérie, le service commercial de l’ambassade du Vietnam à Alger est chargé également de la promotion de la coopération commerciale et industrielle entre le Vietnam et la Gambie, le Mali, le Niger, le Sénégal et la Tunisie. Dans le contexte de la pandémie du Covid-19, nous attachons une grande importance à utiliser les moyens de promotion commerciale virtuelle tels que les visioconférences, les forums d’affaires et les salons virtuels afin de mettre en relation à distance les opérateurs du Vietnam et ceux des pays dont l’Algérie. À titre d’exemple, des entreprises vietnamiennes ont déjà participé à des salons internationaux virtuels organisés par la société algérienne Andalus Trade, Show, exhibits and Events (TSEE) fin 2020 et début 2021. L’ambassade du Vietnam a aussi tenu deux visioconférences sur la coopération économique et commerciale Vietnam-Algérie en novembre 2020 et en avril 2021 avec la participation de centaines d’entreprises des deux pays.

 L’Algérie a opté pour une restriction par rapport aux importations et malgré cela vous maintenez le service commercial. Est-ce qu’on comprend par-là qu’il y a une activité d’importation entre l’Algérie et le Vietnam ?

Le service commercial de l’ambassade du Vietnam à Alger a été inauguré en 1977 (après l’ouverture de l’ambassade en 1962) et a aussi des compétences sur 5 autres pays d’Afrique, à savoir la Gambie, le Mali, le Niger, le Sénégal et la Tunisie. Il est à noter que l’Algérie est un des 8 pays d’Afrique où le Vietnam a très tôt ouvert l’ambassade. Cela témoigne de la position importante de l’Algérie dans la politique extérieure du Vietnam dans ce continent en tant que pays ami traditionnel et partenaire prioritaire. Malgré la restriction des importations algériennes et notamment les influences néfastes de la pandémie du Covid-19, le service commercial de l’ambassade du Vietnam fonctionne normalement pour maintenir et promouvoir les relations commerciales et industrielles vietnamo-algériennes en particulier et celles du Vietnam et d’autres pays d’Afrique en général. Dans le commerce bilatéral, il n’y a pas de concurrence, mais une complémentarité.

Vous êtes connus dans les domaines du café, des fruits de mer, du textile, pourquoi n’y a-t-il pas d’investisseurs vietnamiens qui viennent investir en Algérie?

Si, avant le Covid-19, le directeur d’une société vietnamienne s’est rendu en Algérie pour sonder le marché et a voulu créer une joint-venture dans la transformation du café vietnamien. À cause de la pandémie, son plan d’implantation d’une usine en Algérie a été reporté. Il souhaite y revenir déployer son projet après le retour de la situation à la normale. Dans d’autres domaines comme le secteur textile-habillement, on compte des hommes d’affaires vietnamiens qui s’intéressent dans l’ investissement en Algérie et qui sont en période de recherche de partenaires.

Avant le Covid-19, vous aviez une balance commerciale à 300 millions, avec l’Algérie, aujourd’hui elle est de combien?

Franchement dit, le commerce Vietnam-Algérie reste modeste par rapport aux potentialités économiques de nos deux pays et en comparaison d’autres partenaires de l’un et de l’autre. Selon les données statistiques des Douanes vietnamiennes, les échanges commerciaux bilatéraux ont atteint 190 millions de USD en 2019. Ce chiffre a été baissé à 150 millions de USD en 2020, surtout à cause des effets négatifs de la pandémie du Covid-19. Et lors des 8 premiers mois de cette année, la valeur totale des exportations et importations n’a atteint que 97 millions de USD, soit une réduction de 13% par rapport à la même période de l’année précédente. La structure des produits échangés entre nos deux pays n’est pas caractérisée par une concurrence mais une complémentarité. Les articles vietnamiens exportés comprennent principalement le café, le riz, le poivre, l’anacarde, les produits aquatiques d’eau douce,… tandis que les importations vietnamiennes de l’Algérie sont les produits pharmaceutiques, les minerais, les déchets de papier, les produits en caoutchouc, les aliments pour animaux, le caroube…

 L’investissement vietnamien n’existe pas en Algérie. Est-ce que c’est le code de l’investissement en Algérie qui ne le facilite pas ou bien les investisseurs vietnamiens préfèrent aller investir ailleurs?

Si, la coentreprise entre PetroVietnam Exploration Production Corporation (PVEP), la compagnie thaïlandaise PTT Exploration and Production (PTTEP) et le Groupe Sonatrach est un symbole de la coopération réussie entre le Vietnam et l’Algérie. 12 ans après sa mise en œuvre (2003), ce projet pétrolier pour l’exploitation du gisement de Bir Seba a donné son premier baril en août 2015. L’investissement total du projet s’est élevé à 1,260 milliard de dollars. Sa capacité de production actuelle est de 18 000 barils/jour. Le gouvernement vietnamien accorde toujours son soutien à l’élargissement de la coopération entre Sonatrach et PetroVietnam dans la prospection et l’exploitation du pétrole et du gaz en Algérie, au Vietnam ou dans un pays tiers. Et comme je viens de le mentionner, une autre société vietnamienne a planifié d’investir dans une usine de transformation du café en Algérie pour la période post-Covid-19. Il convient également de souligner que l’Algérie est une des grandes destinations des investissements vietnamiens en Afrique en particulier et au monde en général. Au cours des dernières années, le Gouvernement algérien a déployé de gros efforts dans l’amélioration du climat des investissements, à savoir la levée de la règle 51/49, la simplification des formalités administratives… et nous sommes persuadés que le pays accueillera davantage de flux d’IDE dans le temps à venir.

 Au niveau du commerce, les deux États algérien et vietnamien n’arrivent pas à construire des mega-projets.

 

Oui, c’est vrai. Malgré une volonté de porter le volume d’échanges commerciaux bilatéraux à

1 milliard USD dans le futur par les hauts dirigeants de nos deux pays, les résultats obtenus demeurent modestes, n’étant pas à la hauteur de leurs attentes. La construction de méga-projets fait toujours l’objet du souhait des deux pays, mais elle exige du temps et une détermination d’opérateurs vietnamiens et algériens aussi.

 Nous avons l’impression que les étrangers ne regardent l’Algérie que pour le pétrole et le gaz alors qu’il y a d’autres domaines très intéressants aussi, le tourisme par exemple. Pourquoi les Vietnamiens ne viennent-ils pas en Algérie?

Les investisseurs s’intéressent tout d’abord aux potentialités et des atouts d’un pays et comme vous le savez, l’Algérie est forte en ces ressources gazo-pétrolières. L’Algérie est classée 16e producteur de pétrole, 10e producteur de gaz naturel et 7e exportateur de GN dans le monde. Mais je partage totalement votre avis que l’Algérie possède d’autres domaines intéressants qui attirent des investisseurs étrangers. Il faut compter parmi ces domaines le tourisme. L’Algérie est le pays le plus grand du continent africain et le 10e pays le plus grand au monde en superficie totale. Une des principales attractions touristiques est le Sahara, le plus grand désert au monde avec des dunes de sables pouvant atteindre 180 mètres de hauteur. Elle abrite encore un littoral de plus de 1 600 kilomètres, une cité antique (Djemila) dans les Hauts Plateaux à Sétif, un époustouflant canyon (Ghoufi) dans les Aurès, des ksours dans la Vallée du M’zab, le majestueux mont d’Assekrem à Tamanrasset, les gravures rupestres (Tassili n’Ajjer) à Djanet dans le grand Sud… Le Vietnam et l’Algérie ont déjà conclu l’accord d’exemption de visa pour les porteurs de passeport diplomatique et de service alors que les ressortissants vietnamiens et algériens munis de passeport ordinaire ne doivent pas payer des frais de visa d’entrée en Algérie et au Vietnam. Lors de la visite en Algérie du Premier Ministre Nguyen Tan Dung en juin 2015, les deux parties ont signé le mémorandum de coopération dans le tourisme. En 2019, une agence de voyages vietnamienne a envoyé une représentante en Algérie pour explorer des opportunités d’investissements dans ce secteur. Il s’agit-là des bases pour le renforcement de la coopération bilatérale en la matière. Si les visiteurs vietnamiens ne viennent pas encore en Algérie, c’est une partie parce qu’il manque de grandes campagnes de promotion touristique algérienne au Vietnam. D’autre part, la distance géographique est lointaine, d’où le coût de transport est élevé. Il en est de même pour les visiteurs algériens. Mais une chose est sûre : le tourisme algérien connaîtra un fort développement dans un proche avenir en attirant plus d’investisseurs étrangers dont les Vietnamiens. En effet, dans son plan d’action récent, le Gouvernement algérien mise sur le tourisme et l’économie de la culture comme secteurs porteurs de croissance économique et s’engage à développer une « vraie » industrie touristique et culturelle en encourageant l’investissement dans ces domaines. A ce titre, il envisage de soutenir l’action des agences de voyages et la facilitation des procédures de visas au profit des touristes étrangers, d’encourager le recours aux formules incitatives de voyage par le biais des vols charters afin de renforcer l’attractivité de la destination touristique Algérie tout en s’appuyant sur l’apport des représentations diplomatiques et consulaires à l’étranger. Que la pandémie du Covid-19 prenne fin bientôt pour que tout revienne à la normale et devienne meilleur!

S. Chaoui

 

 

 

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Denis Martinez : Il était une fois Aouchem C’est en pensant à Tahar Djaout et Youcef Sebti, qui étaient ses amis, que je me suis intéressé à l’artiste plasticien Denis Martinez, ancien professeur à l’école des Beaux-arts d’Alger.

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Et puis, en lisant sa notice biographique, j’apprends qu’il est né en 1941 à Mostaganem, lieu de naissance d’un autre grand peintre, à savoir Mohamed Khadda, qui a représenté dans ses gravures et ses aquarelles, les troncs et les racines des oliviers des Ouadhias. Quelle coïncidence. Mais pas que, puisque Mostaganem, tout comme Ghazaouet a vu naitre d’autres grands artistes, de la scène cette fois entre autres Ould Abderrahmane Kaki et Abdelkader Alloula (né à Ghazaouet). Ces villes de l’Ouest sont des villes de culture et d’histoire.

Ce qui caractérise Denis Martinez, c’est, en plus de son œuvre picturale qui est magnifique, le fait qu’il a fait partie, au lendemain de l’indépendance, de ceux qu’on peut considérer comme les agitateurs culturels, comme il se rencontre de nos jours des influenceurs et des agitateurs sur les réseaux sociaux : les facebookeurs, les instragameurs, les tiktokeurs, les twiteurs, dont le rôle est prépondérants sur les phénomènes sociaux de mode , de tendances vestimentaires ou autres, et même la façon de penser des nouvelles générations.

Ce groupe dont a fait partie le jeune artiste plasticien Denis Martinez, avec ses amis Choukri Mesli et Mustapha Adnan, s’appelait le groupe Aouchem. Et ce qu’il y a lieu de signaler, c’est que ce groupe avait rédigé un manifeste. Donc, à la base, il y avait une pensée, des idées, un projet culturel, dans lequel on se donnait des racines et on se fixait des objectifs. C’est très sérieux, parce que ça fait penser aussi bien aux Amis du Manifeste de Ferhat Abbas, qu’au Manifeste des surréalistes d’André Breton. Non pas qu’Aouchem se rattachait sur le plan politique à Ferhat Abbas, ni qu’ils s’affiliaient à la doctrine surréaliste, mais je parle ici de la démarche… Je veux dire, qu’au lendemain de l’indépendance, en plein bouillonnement culturel et d’autres questionnements sur le modèle de société à bâtir, il y eut un groupe de jeunes artistes plasticiens algériens qui prenaient la peine et le temps de se structurer, de penser leur mouvement, de réfléchir au sens à donner à leur travail de création, au sein de la jeune société. Dans le même temps, des écrivains algériens créaient  l’Union des écrivains algériens, avec des auteurs comme Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Assia Djebbar, Moufdi Zakaria, Malek Haddad…

Aouchem veut dire Tatouage. Il fait référence aux motifs géométriques pratiqués à la surface du corps et dans lesquels on introduit des matières colorantes. Denis Martinez, pour sa part, va encore plus loin, puisqu’il élargit l’éventail aussi bien à l’art pariétal du Tassili, au talisman, au totem, aux masques africains, aux caractères du Tifinagh, aux arabesques, à la calligraphie arabe… Ainsi, on apprend que chez Denis Martinez, «Des totems, talismans, figurines et masques ont longtemps balisé des parcours fléchés comme autant de cheminements initiatiques, puisant dans l’héritage de l’Antiquité africaine et de l’artisanat maghrébin les motifs d’un langage esthétique».

Sous la pression des événements tragiques de la décennie quatre-vingt-dix, Denis Martinez s‘était établi à Marseille, au Sud de la France,  mais au début des années 2000, il est revenu en Algérie, pour se ressourcer à l’air vivifiant de sa terre natale, s’inspirant des signes ancestraux pour irriguer de leur sève et de leur énergie ce qui permettait de bâtir un langage esthétique nouveau. D’où l’exposition et le spectacle organisés récemment dans l’enceinte de la villa Abdelatif,  et intitulé «Actes de vie», ainsi que «Tretoir m’kessar».

Poète lui-même, Denis Martinez a aussi illustré les plaquettes de Jean Sénac, Tahar Djaout, Hamid Tibouchi, Djamel Amrani, Youcef  Sebti. Il est donc au carrefour d’une poly créativité féconde, allant de la palette du peintre aux planches des dramaturges, bâtissant une esthétique plurielle dans ce qu’elle a de beau, de généreux, de profondément africain  et maghrébin.

Ahmed B.

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Entretien avec Nadjib Ferhat : L’homme qui chuchote à l’oreille des fossiles Notre histoire a été écrite par les autres… Il était temps que des historiens et chercheurs algériens dépoussièrent les archives pour restituer la vérité sur notre passé, notre identité et notre personnalité. Avec Nadjib Ferhat, nous faisons une virée dans la préhistoire.

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Question : On dit que l’Afrique est considérée comme le berceau de l’humanité.

Réponse : Bien sûr, l’Afrique est incontestablement le berceau de l’humanité. Les plus anciens fossiles d’australopithèques sont connus sur le sol africain. On peut citer Lucy, un australopithèque daté de 3,2 millions d’années, ou bien l’homme de Toumaye, autour de quatre millions d’années. A partir de là, l’expansion humaine s’est faite dans plusieurs directions.

Question : Les recherches ont montré que la présence humaine est attestée depuis des millénaires dans la région du Maghreb. Y a-t-il une continuité de peuplement dans cette région du monde ?

Réponse : Bien sûr. Les travaux menés depuis les années cinquante par les préhistoriens ont été confirmés ces dernières années par la reprise et la continuité des fouilles sur les sites mêmes de An Ahnech et Ain Boucherit. Ce sont en fait un seul et même paléo lac autour duquel ont vécu des hommes il y a deux millions et quatre cent mille ans. C’est la plus ancienne date obtenue sur des ossements d’animaux (hippopotames, éléphants, ancêtres des chevaux, etc…) qu’on a connus au Maghreb. Depuis, le peuplement du Maghreb tout comme celui du Sahara fut un continuum ininterrompu jusqu’à nos jours.

Question : Vous avez employé, au cours d’une intervention, l’expression de capitale numido-romaine en parlant de Cirta, comme d’autres ont utilisé l’expression gallo-romaine… Quel fut l’apport des Numides à la civilisation romaine ?

Réponse : Vous savez, l’histoire est contée toujours avec certaines idées qu’on veut inculquer à l’apprenant. Je m’explique. L’histoire comme elle nous a été apprise dans notre jeunesse par les instituteurs du moment fait état de la civilisation grecque, et de la civilisation romaine, deux faits culturels majeurs qui ont imprégné le peuple autochtone du Maghreb. Ces mêmes livres d’histoire parlent d’arts musulmans, au lieu de culture musulmane, comme si l’arrivée des musulmans n’a pas apporté une véritable culture civiisationnelle avec elle. Les livres d’histoire en France parlent de culture grecque, mais à l’arrivée des Romains, on retrouve la notion de culture gallo-romaine, voulant ainsi dire à leurs apprenants que quand les Romains sont arrivés, ils avaient trouvé une culture gauloise qui était déjà présente. Nous partons du fait que les Romains n’ont pas colonisé le Maghreb en voulant s’y installer mais ont plutôt adopté une politique de romanisation des locaux. Ainsi donc, on peut dire que  ce ne sont pas les Romains qui ont bâti toutes les villes antiques ou laissé des vestiges de cette époque à travers le territoire, mais ce sont plutôt nos ancêtres numides qui les ont bâtis. C’est la raison pour laquelle il est judicieux de parler de culture numido-romaine de ces vestiges et non pas de culture romaine, afin de ne pas omettre l’apport des Numides.

Question : Certains ont une vision stratifiée de l’histoire du Maghreb, opposant les périodes les unes contre les autres… En quoi cette vision est-elle erronée ?

Réponse : L’histoire du peuplement du Maghreb est sans aucun doute un continuum depuis l’homo habilis représenté par l’homme de Ain Ahnech (Ain Boucherit) il y a 2,4 millions d’années à nos jours. Toutes les cultures et les civilisations qui sont venues par la suite se sont ajoutées à une souche préalablement présente. Ces arrivées multiples à travers l’histoire ont parfois été belliqueuses et d’autres fois amicales. En revanche, elles se sont toutes fondues avec les locaux, leurs descendants devenant eux-mêmes des locaux. Toute cette dialectique que l’histoire nous relate a un impact sur la spécificité de l’Algérien, tel qu’on le connait de nos jours. Ce n’est qu’en reconnaissant et en assumant toute son Histoire avec ses hauts et ses bas que l’Algérien pourra être fier de son passé, assurant son présent dans le concert des Nations et pouvant sereinement construire son avenir en toute confiance.

Question : Les amateurs d’archéologie et de préhistoire regrettent l’absence d’une revue de vulgarisation spécialisée. Le financement d’une telle revue est-il si difficile ?

Réponse : Vous savez, pour une revue, ce n’est pas la création qui est difficile. Je vais parler d’un exemple quasi personnel. J’ai collaboré il y a quelques années à une revue qui s’appelait Assekrem, du nom de l’un des plateaux du Hoggar. Cette revue se voulait une revue destinée au milieu estudiantin, mettant à sa disposition des articles traitant de diverses sciences mais dans un langage simplifié. Le problème de cette revue n’était point celui de trouver des auteurs d’articles. Toute personne à qui on s’adressait était contente de proposer un papier sans demander une contrepartie. Mais le problème était celui de son financement. Après une longue période de déficit, on a mis la clef sous la porte. En outre, il a existé une revue de haut standing scientifique et culturelle qui s’appelait Libyca, qui par un laisser-aller incompréhensible de la part du ministère de la culture, a fini par disparaitre. Actuellement, il y a une seule revue qui traite du patrimoine archéologique à l’échelle nationale, c’est une revue du mouvement associatif qui s’appelle Ikosim. Pour qu’une revue puisse exister et vivre, il y a lieu de mettre en place une véritable politique et une volonté de faire connaitre son patrimoine à la société, et bien entendu, cela doit être accompagné d’un soutien financier conséquent.

Question : Les gravures rupestres sont un atout touristique indéniable. Dans le même temps, on signale des dégradations. Quelles sont les mesures à prendre pour concilier le tourisme et la protection des sites ?

Réponse : Bien sûr, les gravures sont un atout touristique incontestable. Mais la mise en tourisme de tout le patrimoine fait partie d’une volonté politique. Cependant, la protection du patrimoine n’est pas seulement l’affaire de l’Etat et de ses structures, mais l’affaire de tous. Pour que le patrimoine culturel, archéologique notamment, soit admis et reconnu par tout un chacun, il est de première nécessité d’une part que les gens soient imprégnés de son importance, depuis la cellule familiale en passant par l’école jusqu’à la vie active. Et d’autre part, il faut que ce patrimoine ne soit plus considéré par les gestionnaires comme un handicap au développement socio-économique de leur région. Mais plutôt comme une valeur ajoutée à leur programme. Néanmoins, pour que ce patrimoine soit préservé, il faut que les populations qui vivent à proximité puissent y voir une source d’apport financier et qu’ils en vivent. Ce n’est que par le truchement et un mélange de tous ces ingrédients que le patrimoine archéologique sera reconnu et sauvegardé. Et c’est ainsi qu’il intégrera le développement socio-économique des territoires et des populations.

Ahmed B.

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Entretien avec Nadjib Ferhat : L’homme qui chuchote à l’oreille des fossiles Notre histoire a été écrite par les autres… Il était temps que des historiens et chercheurs algériens dépoussièrent les archives pour restituer la vérité sur notre passé, notre identité et notre personnalité. Avec Nadjib Mahfoud, nous faisons une virée dans la préhistoire.

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  Crésus : Avec vous, on entre de plain-pied dans les temps reculés de la préhistoire, à savoir le quaternaire. Que représente pour vous cette période géologique ?

Nadjib Ferhat : C’est une période qui représente pour moi, l’émergence de l’humanité. En effet, chacune des périodes géologiques connues, comme le primaire, le secondaire, le tertiaire et le quaternaire se distingue par l’apparition ou la disparition d’un fossile. Le quaternaire se distingue du tertiaire par l’apparition du fossile homme. C’est ce qui nous amène tout de suite à considérer le quaternaire comme étant la période où apparait l’homme, et l’étude du quaternaire implique directement l’étude de cet homme en tant que fossile géologique mais aussi comme producteur de culture. D’où la définition de la préhistoire : c’est l’étude de cet homme et de ses productions culturelles, depuis son apparition jusqu’à l’invention des écritures. Là où commence l’histoire.

Vous avez entre autres, travaillé sur les industries préhistoriques de la paléo vallée de Timimoune dans leur contexte stratigraphique. Peut-on résumer les résultats de ces recherches ?

C’est une recherche que j’ai menée fin des années 70, début des années 80, où j’ai eu le bonheur et la chance d’étudier la mise en place de la sebkha de Timimoune et la mise en place du grand Erg occidental en suivant l’évolution des installations humaines préhistoriques dans la région. Cela a permis de situer la disposition actuelle de la vallée de Timimoune en tant que sebkha depuis l’obstruction des eaux qui lui parvenaient de l’Atlas saharien par l’installation de l’actuelle Erg occidental. Cette disposition date de la civilisation atérienne, à savoir depuis quarante mille ans.

Vous avez également dirigé des fouilles archéologiques dans des sites des régions de Boussaâda et du Tassili Ajjer. Existe-t-il des ressemblances entre les deux sites ?

Le travail exécuté à Boussaâda en 76-77 a permis la confirmation de travaux antérieurs mettant en évidence une phase climatique aride située autour de treize mille ans, qui a eu pour conséquence l’obstruction et le remblaiement par des amas sableux de toute l’écluse (ouverture) du piémont sud de l’Atlas saharien. Ces travaux ont permis de démontrer une diminution des nappes d’eau et un déplacement des limites bioclimatiques dans cette région. Une culture préhistorique a été mise en évidence au sommet de ces remblaiements, celle d’une population ibéro-maurassienne qui occupait les lieux à ce moment-là (13 000 ans).  Par contre le travail sur le Tassili était beaucoup plus complexe, s’étalant sur de nombreuses années. Tout d’abord, il y eut une participation aux travaux de fouille du site de Tin Hanakaten, au sud du Tassili. Puis il y eut un second axe : pour une mise au point chrono-stratigraphique de l’art rupestre saharien par la conjonction d’une étude paléogéographique et géomorphologique en relation avec un art gravé dans l’oued Tidunadj (Tassili toujours). Cette étude menée en collaboration avec deux autres collègues a permis de démontrer que l’art rupestre saharien est paléolithique et non plus uniquement néolithique, comme beaucoup le croyaient jusqu’à une date récente. Maintenant, il est confirmé que l’art rupestre du centre du Sahara date au moins de l’aride pré-ocène, une période qui s’étale entre vingt et onze mille ans. En troisième lieu, j’ai eu la chance de diriger une fouille préhistorique sur une nécropole animale que nous avons datée du sixième millénaire. Cette nécropole s’étale sur 80 ha dans l’oued Maukhan (Tassili). Les travaux nous ont permis de mettre en évidence un rituel autour du bœuf que pratiquaient les hommes préhistoriques. Ces pratiques cultuelles se résumaient en la mise en terre dans des fosses de 80 cm à 1 m de diamètre sur 1,20 m de profondeur, différentes parties du jeune bœuf sacrifié en mettant la partie postérieure à la base, le reste de l’animal par-dessus avec quelque fois le crâne fiché au milieu de l’inhumation. (Le museau vers le bas). Tout comme nous avons mis en évidence que ces animaux étaient mis dans des sacs avant leur enterrement. Des traces de raclage de la chair sur des os nous permettent de croire que toute la chair était enlevée et que certains os étaient même calcinés, accompagnés de poterie et d’autres vestiges dans l’inhumation.

Dans les temps les plus reculés, le Sahara peut-il être considéré comme une mer intérieure ou plutôt comme un grand lac ? Quelles furent les conséquences de son assèchement sur l’évolution de l’homme ?

Depuis l’apparition de l’homme, le Sahara est dans l’état actuel, avec cependant des nuances, de déplacement des limites bioclimatiques, qui ont permis au Sahara, par moment de gagner en humidité, devenir un peu plus clément pour l’habitat (hommes, animaux, végétation), donnant des paysages certes un peu plus vert mais limités dans l’espace. Par d’autres moments, d’intenses périodes arides et sèches ont affecté le milieu saharien. C’est cette aridité qui a été le facteur le plus imposant et le plus déterminant dans l’évolution climatique du Sahara. L’actuelle aridité est présente depuis au moins les deux derniers millénaires.

(Suite de l’entretien dans l’édition de demain)

Ahmed. B

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