Il y a déjà sept ans s’éteignait une grande femme de lettres de dimension universelle. Et dont l’œuvre féconde et éclectique lui vaudra une notoriété à la dimension de sa teneur littéraire. Ce qui explique, sans doute, que la mémoire de cette immense écrivaine du terroir reste toujours gravée dans les esprits éclairés…Evocation.
Il est toujours difficile d’évoquer la mémoire d’une illustre personnalité et pour cause ! Car soit on tombe dans le laudatif soit dans le propos mesuré. Mais dans tous les cas on prend le risque de passer à côté de l’essentiel. Parce que dans l’œuvre intrinsèque et l’itinéraire de feue Assia Djebar tout est essentiel. Autant sa trajectoire personnelle que son œuvre littéraire et romanesque à l’esthétique léchée et au verbe par endroits cinglant en ce qu’elle appelle un chat un chat. Quitte à déranger les bonnes consciences ou à heurter quelques susceptibilités. Mais depuis quand écrit-on pour flatter les égos ou sinon à tout le moins plaire à son lectorat ? Ce serait d’ailleurs se renier carrément que de suivre pareille voie aléatoire à même de déclencher un effet boomerang aux conséquences qui laissent regrets et cicatrices ;
Une enfant d’avant-guerre
Assia, elle, n’en a cure. En disant souvent tout haut ce que d’aucuns parmi les intellectuels pensent tout bas derriére les fourreaux dans le confort et l’intimité d’un foyer. Non elle n’est pas du genre à adopter un profil bas rien que pour être dans les grâces des rois du moment sinon des fameux courtisans capables de souffler le chaud et le froid au gré e l’humeur des gouvernants du moment. Elle éjecte ainsi son propre ressenti jailli des entrailles, un véritable cri surgi des tripes et que à supposer même qu’elle puisse le réprimer et ou en atténuer les effets qu’elle en serait incapable. Parce que Assia est entière et abhorre autant les demi-mensonges que les demi vérités. Et toute son œuvre colossale en est imprégnée et imbibée. Il faut dire aussi qu’elle a cette chance de posséder un itinéraire quelque part atypique. Car cette femme d’avant-guerre est surtout femme d’avant-garde bien que la misogynies feinte, sournoise et ou franchement déclarée marque l’univers édulcoré de la littérature depuis que le monde est monde au demeurant.
Une belle revanche sur l’histoire
Mais de cela l’écrivaine contemporaine à la plume raffinée et tout autant acerbe au sens positif du terme s’entend poursuit tranquillement son petit bonhomme de chemin et n’éprouve que du mépris envers ce profil d’hommes de lettres et autres intellectuels à la vision étriquée sinon chauvine des choses de la vie en général et de la condition féminine en particulier. Belle femme, élégante et racée, fille de l’Antique Césarée dont elle contribuera à faire connaitre davantage tout le substrat historique et civilisationnel, elle n’a jamais renié ses origines qu’elle porte tel un atavisme, cette carte génétique qui rappelle à tout un chacun fut-il célébre ou non par ailleurs, l’itinéraire et le creuset outre le sédiment biologique. Ce que les généticiens distinguent par l’acquis et l’inné. En vérité chez Assia Djebar tout est inné autant son intuition ce sixiéme sens qui confére de la concision, de la justesse et de la rigueur aux choses et aux humains forcément pas tout à fait comme les autres. Tout en se réclamant de maniére implicite, suggérée et ou explicite de ces mêmes autres.
Une notoriété universelle
Défenseure inlassable de la cause féminine dont elle partage toutes les valeurs et questionnements elle n’a eu de cesse de se dresser à chaque fois que cela s’imposait contre l’ordre masculin, le machisme primaire et toutes ses déviations héritées de ce milieu patriarcal et agnatique omnipotent et omniprésent. Dans »La nouba des femmes du mont Chenoua son humus originel elle décrit avec une précision d’orfévre tous ces tabous, préjugés et pesanteurs dont souffrent les femmes cible privilégiée et épidermique pour certains de tous les « diaboliseurs » imputant directement à la femme tous les maux dont ils sont pourtant les auteurs attitrés par toutes ces ou2llères qui en obstruent et la pensée et le cœur. Plusieurs fois fort justement récompensée et primée pour le volume et la densité de ses œuvres elle n’en gardera pas moins la tête roide et cette distanciation nécessaire à demeurer vigilante et toujours militante de la juste cause dont la parité préalable hommes femmes n’est pas des moindres.
La voix de l’Algérie
Et si ses écrits continuent encore à déranger quelques esprits retors, l’essentiel est que son œuvre reste toujours ancrée et incrustée dans cette mémoire collective véritable boîte noire captant les moindres frémissements et remugles de l’histoire. En réalité la grande écrivaine disparue maintenant depuis sept ans déjà se fichait royalement du qu’en dira-ton trop passionnée par son ambition si noble de porter au plus haut à travers le monde entier la voix de l’Algérie francophone. Dont elle constitue un des plus beaux fleurons sans conteste. Elle avait un contrat moral avec son peuple et son rapport viscéral à l’écrit lui permettait de ne jamais s’en détacher en lui restant attachée et fidéle jusqu’au dernier souffle. A l’inverse de certains donneurs de leçons et autres apprenti-sorciers toujours prompts à condamner quiconque fut-il le plus éclairé refuse de s’inscrire dans un moule collectif imposé mais toujours aussi factice. Mais ainsi est formatée l’insoutenable légéreté des êtres victimes de leurs propres turpitudes. Reposez donc en paix grande écrivaine, femmes de lettres et toujours fiére de l’être.
Amar Zentar