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Culture

Cinéma : L’art et la révolution

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Il était une fois un film pas comme les autres. De la fiction juxtaposée sur le vécu. Du grand art et de l’histoire. La révolution presque à bout de caméra…

Voici sa genèse : Au lendemain de l’indépendance, le militant FLN, Yacef Saadi, aspire, en 1965, pour mémoriser ses souvenirs qu’il avait écrits en prison sur la bataille d’Alger, à faire un film sur ces événements vécus. Il se tourne, en premier, vers le réalisateur René Vautier pour écrire le scénario. Yacef Saadi propose le scénario à des producteurs français qui refusent de réaliser le film. Alors, il cherche du côté des cinéastes italiens. L’ambassade d’Italie en Algérie le met en contact avec le réalisateur Luchino Visconti. Ce dernier décline la proposition et suggère à Yacef Saadi de voir avec le réalisateur Gillo Pentecorvo. Ce dernier était un antifasciste et avait fui avec sa famille durant la prise de pouvoir de Mussolini. Yacef contacte Pontecorvo et ce dernier lui fait savoir que ça faisait deux ans qu’il essayait de développer un travail sur la guerre d’Algérie et qu’il s’était même déplacé en 1962 (après la fin de la guerre) en Algérie pour faire des repérages pour un éventuel film sur la guerre d’indépendance. De cette rencontre nait le projet du film « La Bataille d’Alger » que Gillo Pontecorvo voulut intituler dans un premier temps: « Tu enfanteras dans la douleur ». Ils mettront six mois pour écrire un nouveau scénario, aidés par le scénariste Italien Franco Solinas qui proposera d’injecter dans le film les idées de Frantz Fanon tirées de son livre « Les damnés de la terre ».

Yacef Saadi, qui était propriétaire de la maison de production « Casbah-films », propose à Gillo Pontecorvo de participer aux frais de production, mais ils trouveront beaucoup de difficultés à réunir les sommes appropriées à ce film révolutionnaire, en technique de réalisation et en représentation. Pour remédier à ça, Pontecorvo choisit des acteurs inconnus et se contentera de l’acteur français Jean Martin (qui avait signé en 1960 le manifeste des 120 contre la guerre d’Algérie) pour le rôle du colonel Mathieu. Pour le côté technique, il sollicitera l’intervention du gouvernement Algérien pour la logistique des camions des hélicoptères, tenues militaires et même l’incorporation des soldats comme figurants. Pour les prises de vue, il utilisera la méthode de la caméra sur l’épaule pour donner une image d’immédiateté et de véracité. Il en découlera de cette méthode une impression d’authenticité proche du documentaire.

Brahim Hadjadj étalera une classe de vrai acteur de cinéma dans le rôle de l’enfant terrible de la Casbah (Ali la pointe). En vérité, tous les autres acteurs, presque inconnus, avaient su s’adapter aux rôles dont ils ont été pourvus.

«La bataille d’Alger» est le seul film Algérien qui a fait le tour du monde. Il a été vu par des millions de spectateurs et traduit ou sous-titrés par des dizaines de langues. IL a même été visionné au Pentagone et dans des écoles militaires aux Etats Unis. En France, par contre, il a été interdit pendant de longues années. Le film, du réalisateur Italien Gillo Pontecorvo, est un chef d’œuvre du cinéma moderne. Le spectateur non averti se confond entre la fiction et le documentaire. Dans quelques salles, en Amérique, on a dû préciser aux spectateurs qu’il ne s’agit pas d’un documentaire mais d’un film de fiction tiré de faits réels. Fait presque unique au monde, il y a des acteurs qui ont été «acteurs» de la vraie bataille d’Alger, comme Yacef Saadi.

«La batille d’Alger, c’est comme un fleuve souterrain qui finit par ressurgir en pleine lumière, obstination partagée par des millions d’hommes qui considèrent que tous les moyens sont bons pour parvenir à la liberté. Comme dit Frantz Fanon : c’est comme une arme qui se charge pendant cent trente ans et qui finalement commence à tirer», dit Gillo Pontecorvo à un journaliste en 1966.

Voilà ce que dit un spectateur polonais après avoir vu le film La Bataille d’Alger dans une salle de cinéma à Varsovie : «Dès que le générique était projeté sur l’écran, un silence inhabituel régnait dans la salle. Pendant toute la séance, les fauteuils n’ont pas craqué une seule fois, et à la fin du film, les spectateurs ont longuement et chaleureusement applaudi. Aucun des films précédents n’a reçu un tel accueil».

Le journaliste Egyptien, Sabri Abou Magd, dit à la sortie du film : «Je peux affirmer, sans exagérer que La Bataille d’Alger est l’un des plus beaux films qu’il m’a été donné de voir à ce jour. Sans super-vedettes, sans érotisme, chansons ou danse, cette œuvre est une image bouleversante de la révolution d’un peuple. Dès les premières images, on constate que, pour être «sérieux»  le film n’en est pas moins passionnant, d’un bout à l’autre».

Il y a lieu de noter que le film «La bataille d’Alger» a été classé par la revue du cinéma : «British film Institute» ainsi que par «Sight & Sound» 48ième sur les 50 meilleurs films de tous les temps. Le magazine Américain «Empire» a classé le film au 120e rang des 500 meilleurs films de tous les temps.

En 1970, le film fut projeté en France, mais rapidement retiré des écrans sous la pression des anciens de L’OAS et l’extrême droite. Il y eut même des attentats commis contre des salles de cinéma qui ont accepté de projeter le film.  La censure dura jusqu’en 2004.

Durant plusieurs années, et peut-être jusqu’à nos jours, le film La Bataille d’Alger fut régulièrement projeté dans des écoles militaires, notamment à «L’Ecole des Amériques» (Western Hemisphere Institute for Security Cooperation) centre d’enseignement militaire géré par le département de la défense des Etats Unis.

Et pas plus loin qu’en 2003, juste quelques mois après l’intervention de la coalition en Irak, les officiers de l’Etat-major de l’armée américaine et des civils ont été invités à voir le film La Bataille d’Alger dans une salle au Pentagone.  Donald Rumsfeld, qui avait assisté à la projection, avait dit : «La Bataille d’Alger est un modèle d’enseignement sur la guérilla urbaine pour mieux comprendre le développement de la guerre en Irak». En vérité, le film a été tourné pour montrer l’atrocité du colonialisme et la légitimité d’utiliser la violence (la guérilla) pour contrecarrer cette injustice et non pour montrer comment appliquer une contre-révolution. A cet effet, il y a lieu de se demander comment un film révolutionnaire a été réapproprié par de nombreuses lectures contradictoires ?

Mais le film n’a pas apporté des enseignements rien que pour les militaires qui veulent comprendre la stratégie de la guérilla urbaine, car il a aussi inspiré les mouvements des luttes pour l’indépendance des pays colonisés. Il a même inspiré des mouvements de luttes ouvrières. D’ailleurs La Bataille d’Alger a été interdit dans plusieurs pays dans le monde, comme l’Afrique du Sud (au temps de l’apartheid), le Brésil, au Mexique, en Iran au temps du Shah pour crainte d’incitation à la rébellion.

Finalement, le film La Bataille d’Alger a fait réveiller la fibre patriotique chez beaucoup de peuples persécutés dans le monde. Et on continue jusqu’à nos jours de s’inspirer de ce chef-d’œuvre de l’art cinématographique.

Rachid Ezziane

 

 

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Culture

L’ONDA allège les demandes d’aide sociale au profit des artistes

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L’Office national des droits d’auteur et des droits voisins (ONDA) a annoncé le lancement d’un nouveau service en ligne permettant aux créateurs et artistes membres de l’Office de demander à distance de «l’aide sociale», a indiqué l’organisme public dans un communiqué.

L’ONDA rappelle ce service s’inscrit dans le cadre de sa «stratégie visant à moderniser les services fournis à ses adhérents et à alléger les démarches administratives…».

L’aide sociale est une prestation couvrant les frais de santé du membre cotisant, notamment le transport (en ambulance ou en avion), les analyses et explorations biologiques et radiologiques, la mise à disposition de matériel spécialisé ainsi que les frais d’hospitalisation, plafonnés à 100 000 DA par an.

Cette aide peut couvrir d’autres dépenses «exceptionnelles» et peut être accordée sous forme d’aide «directe», ne dépassant pas 200 000 DA par an, précise l’ONDA, qui appelle ses membres à accéder à la plateforme via son site officiel: www.onda.dz.

R.C

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Actualité

Théâtre : «Les ruelles des héros» présentée au TNA Le spectacle «Aziqat el abtal» (Les ruelles des héros), une adaptation de la pièce historique «Les enfants de la Casbah» de Abdelhalim Raïs, qui revisite l’implication active des milieux urbains dans le combat libérateur, a été présentée vendredi soir à Alger, par l'Association «Mouthalath El Hayat» (Le triangle de la vie) de la Protection civile.

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Accueilli au Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA), le spectacle mis en scène par Mohamed Belkaissarira, relate l’histoire d’une famille vivant dans la Casbah d’Alger, un des quartiers populaires de la capitale qui ont beaucoup milité dans la résistance contre le colonialisme français, notamment durant la Bataille d’Alger. Servi par 17 comédiens, le spectacle met en scène l’histoire d’une famille algérienne composée de trois frères qui chacun selon ses convictions et ses possibilités rejoignent la lutte armée pour renverser l’ordre colonial. Sur scène les trois frères, Djamel, Rachid et Mourad avec leur parents, mènent un dialogue, rythmé par de récurrentes altercations verbales et disputes entre les frères, qui militent tous dans la clandestinité pour le Front de libération nationale (FLN), à l’insu des autres membres de la famille. La scénographie, signée Halim Rahmouni, se base sur un décor statique minimaliste qui suggère une maisonnette de la Casbah avec un patio, des meubles d’époque et une fontaine. En filigrane, le spectacle est un hommage aux sacrifices de toutes les franges de la société algérienne qui ont contribué activement aux combats pour l’indépendance, et montre les difficultés et la dure réalité de la clandestinité. Œuvre de  Abdelhalim Raïs, «Les enfants de la Casbah» a été présentée pour la première fois à Tunis en 1959 par les membres de la troupe artistique de Front de libération nationale (FLN), avant d’être reprise au TNA au lendemain du recouvrement de l’indépendance. La pièce avait également été adaptée à la télévision avec, entre autres comédiens Nouria, Mohamed Kechroud, Sid Ali Kouiret et Sid Ahmed Agoumi. Produite en 2017 par l’Association «Mouthalath El Hayat» (Le triangle de la vie) de la Protection civile, «Les ruelles des héros» a été  présentée dans le cadre de la Journée nationale des Scouts musulmans algériens, célébrée le 27 mai de chaque année.

 

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Clôture des 18e «Andaloussiates El Djazair» : Le patrimoine culturel en fête La scène des 18e «Andaloussiates El Djazair» a accueilli, vendredi soir à la salle Ibn-Khaldoun, l'association culturelle et musicale «Maqam» de Constantine, un grand Ensemble de musique andalouse qui a célébré l’ancestralité de ce patrimoine de la culture algérienne.

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   Accueillie à la mythique salle Ibn-Khaldoun, la vingtaine d’instrumentistes, dont six musiciennes, de l’Orchestre de l’Association «Maqam» était dirigé d’une main de maître par le maestro, Moundji Benmalek, un Chef d’orchestre -également président de ce bel Ensemble- aux qualités exceptionnelles, au regard de la rigueur et du professionnalisme observés par tous les éléments de ce collectif. Dans des atmosphères solennelles, l’Ensemble constantinois a rendu une prestation pleine, empreinte de pureté et de droiture académique, un sans faute hautement apprécié par le public malheureusement peu nombreux, comparable, de l’avis d’un spectateur, «au rendu d’un support sonore commercial (CD) dont le travail aurait été revu, corrigé et peaufiné à la perfection, avant de descendre sur le marché». Durant une heure de temps, l’Ensemble «Maqam» a rendu en un seul jet et sans interruption aucune, une prestation en deux parties : d’abord quelques extraits de «Bachraf Kamaroun» suivis de «Noubet H’çin Saba» ensuite et dans le genre hawzi, les pièces, «Ya Layem» d’Ahmed Bentriki et «Khatri bel’djfa t’âddeb» communément connue sous le titre de «Et’Taleb».  L’Association culturelle «El Djenadia» de Boufarik a animé également vendredi soir à Alger, un récital de chants andalous, également mené par de jeunes instrumentistes, dénotant d’une grande volonté à former et encourager les jeunes talents. Une belle prestation qui a sublimé l’ancestralité et la profondeur historique du patrimoine musical andalou, représentant aujourd’hui «un héritage séculaire, transgénérationnel» selon son président, Abdelkader Essemiani. Rappelant le génie créatif des poètes érudits et des grands compositeurs des siècles derniers, les prestataires de l’Ensemble El Djenadia, ont notamment rendu une Nouba dans le mode Sika et quelques «Hwaza» dans le mode Djarka. Inqileb «Wa melli bi djismi» b’taïhi «Zada el hobbo wajdi» «Istikhbar» derdj «Soltanet bnet el hay» n’çraf-khlass «Ya loun el âssel» et les kh’lasset «Ya men dara» et «Dir el oqqar» ont constitué les pièces rendues avec une grande maîtrise technique et artistique, durant la première partie. Les solistes, Nassim Boughzala et Insaf Abdelbaki aux Ouds, ainsi que Sara Benmessaï et Meriem Si Ahmed aux violons altos, ont enchanté l’assistance avec leurs voix présentes et étoffées, aux tessitures larges. Ouverte le 13 mai dernier, les 18e «Andaloussiates El Djazair» ont pris fin hier avec les prestations des Ensembles, «El Fekhardjia»d’Alger et «El Fen wen’Nachat» de Mostaganem.

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