Ces crimes abjects perpétrés contre les populations autochtones n’ont de semblables que les pires génocides connus dans les deux guerres mondiales. L’histoire noire de la France coloniale est marquée par des exactions qui dépassent l’imaginaire. L’enfumage de Ouled Riah, dans la wilaya de Mostaganem, est un acte prémédité qui a mis à mort tout un village, et est qualifié de crime de guerre qui ne dédouane pas la France officielle, murée dans un mutisme qui cache mal l’ampleur de l’acte en lui-même. Le crime de Ouled Riah est le vrai visage de ce colonialisme qui a prétendu amener la civilisation au peuple algérien. La grotte des Frachih, scène où a eu lieu cette enfumade, témoigne de la haine que portait la France coloniale à ce peuple qui aspirait à la liberté et à l’indépendance. Les Algériens qui ont visité les lieux se disent sidérés par cet acte abominable, entre tant d’autres. Le 18 juin 1845, reste une sinistre et mémorable date dans notre histoire. Une tribu entière, réfugiée dans la grotte de Ghar El Frachich est enfumée sous les ordres du colonel Pelissier. Elle sera entièrement décimée. Le nombre des victimes est encore sujet à discussion et oscille entre 500 et 1200 âmes. Pour mieux connaître cette tragédie, voici le rapport détaillé du premier responsable de cette enfumade, le colonel Pélissier, ainsi que deux témoignages d’officiers présents : « Je suis venu, ainsi que j’avais eu l’honneur de vous le faire connaître par ma lettre du 16 juin, n°5, placer mon camp à Oued-el-Amria, chez les Ouled-Riah. Aussitôt que j’eus mis le pied dans leur pays, dont les hauteurs au loin se couronnaient de fusils, j’ai fait une halte pendant laquelle tous les vergers et les habitations qui se trouvaient à portée furent abattus ou détruits et fouillés au loin par le maghzen. Je continuai ma marche et, le camp établi, la même opération allait être reprise, lorsque les Ouled-Riah de la rive droite envoyèrent pour dire qu’ils désiraient se soumettre. Vainement, ils avaient tenté d’amener ceux de la rive gauche à ce but ; ils se séparaient d’eux et demandaient un aman particulier. Il leur fut donné, et le cavalier qui le leur portait leur faisait connaître le chiffre de leur impôt en chevaux et fusils. Pendant cette négociation, les vergers de la rive gauche étaient jetés par terre, les dechras incendiés, et l’on détruisait de fond en comble deux habitations, la propriété de Bel-Amria, l’un des principaux adhérents du chérif. La fin du jour approcha, et la Djemaa de ceux de la rive droite s’était séparée sans solution précise, éprouvant un grand éloignement à remettre les fusils. Mon parti était pris et je résolus de marcher, dès le lendemain 18, au point du jour, sur le Ksar-el-Frachich, cette retraite regardée dans tout le pays comme inexpugnable et qu’ils ont surnommée Djezaïr-el-Dahra. Je maintiens d’autant plus volontiers cette résolution que ces brutes avaient pensé à nous attaquer de nuit. Mes avant-postes étaient poussés aussi loin que vous l’avez toujours prescrit ; des embuscades étaient placées dans les abatis des vergers. Néanmoins, vers 9 heures un quart, quelques Kabyles parvinrent en rampant et à la faveur du terrain, horriblement découpé, à s’approcher à longue portée du camp. Tout fuyait à mon approche, la direction prise par une partie de la population indiquait suffisamment l’emplacement des grottes où me guidait El-Hadj-El-Kaïn. Je fus m’établir sur un plateau incliné qui les domine toutes et qui, traversé souterrainement par un affluent torrentueux de l’oued Frachich, forme les grottes dans un énorme gisement de plâtre qui a reçu des Arabes le nom d’El-Kantara.