Comme cela a été affirmé dans une précédente édition de Crésus, l’accord d’Alger pour la paix et la réconciliation n’arrange pas tout le monde dans l’imbroglio du Sahel et ses troubles alimentés. Hier, c’est la radio française internationale, RFI, qui rapportait les déclarations de la CMA, la Coordination des Mouvements de l’Azawad, accusant le gouvernement de Transition d’avoir abandonné le processus de médiation. RFI, suppose paradoxalement, une défiance des ex-rebelles à l’endroit de l’Accord dans une interprétation fallacieuse des faits. Dans le nord du Mali, il semblerait dont que des parties étrangères soufflent encore sur les braises…
Réunion ordinaire
C’est RFI qui a donné un écho grave voire inquiétant d’une réunion ordinaire tenue à Kidal et qui a regroupé le bureau exécutif de la CMA. En effet, le titre d’un article publié sur RFI «Mali: les ex-rebelles de la CMA déplorent ‘l’abandon’ de l’accord d’Alger par la transition» n’est pas pour rassurer. Or, il semblerait qu’une part d’interprétation de la part de RFI attribue aux déclarations de la Session de la CMA, un sens exagéré. Dans le texte, la CMA se limite à déclarer : «la session suit avec inquiétude la dégradation continue de la situation socio-politique du pays (…) condamne avec la dernière rigueur toutes les formes de violence et de terreur exercées sur la population civile y compris les violations du droit de l’Homme et du droit international humanitaire dans les régions de Ménaka et Gao.» Mais c’est cette critique à l’endroit de la réponse sur le terrain du gouvernement qui aurait permis aux commentateurs d’y voir un ras-le bol chez la CMA : « La CMA déplore l’absence d’une réponse appropriée à cette situation dramatique». Ce constat général, exprimant l’inquiétude par rapport aux blocages réels du processus issu de la médiation internationale dont l’Algérie est le chef de file, ne signifie en aucun cas une défiance envers ledit accord puisqu’au contraire, la CMA regrette qu’il ne soit pas mieux mis en œuvre.
Lecture paradoxale
On ne comprend donc pas cette conclusion hâtive et de mauvaises foi qui prétend, dans les colonnes d’un article publié sur le site internet de RFI, que «c’est la première fois que les ex-rebelles de la CMA ne réaffirment pas leur attachement à l’accord de paix d’Alger». Une extrapolation certainement mal intentionnée de la part de ce média français connu pour sa partialité au sujet des questions internationales et africaines qui touchent aux intérêts ou à l’influence de la France. Dans ce contexte d’exclusion de la partie française par les autorités maliennes, il se pourrait qu’une dramatisation de la réalité dans le Septentrion malien participe à une campagne de dénigrement contre les autorités de la Transition à Bamako, désignée comme «junte militaire» par la diplomatie française. Cependant, il est vrai que la mise en œuvre a toujours souffert de période de ralentissement, au gré des choix politiques du pouvoir malien. Cette fois-ci, Mohamed El Maouloud Ould Ramadane, porte-parole de la CMA a fait remarquer que «depuis l’arrivée des autorités de transition à la tête de l’État, il n’y a pas grande chose comme mise en œuvre de l’accord, Surtout depuis octobre, aucune réunion ne s’est ténue jusqu’à preuve du contraire. Donc, nous sommes inquiets par rapport à son abandon» Interrogations légitimes et colère justifiée alors que des acteurs étrangers pourraient souffler sur les braises et provoquer une sorte de remise en cause de l’accord signé en 2015 et qui a réussi à ramener la paix et à isoler le terrorisme au Mali quand la nébuleuse criminelle tentait de récupérer les mouvements de rébellion. N’en déplaise à RFI qui semble faire la promotion de la division en prétendant «qu’au sein de la CMA, les indépendantistes montrent de plus en plus leurs muscles et proposent aux autres mouvements de claquer la porte du processus de paix. » Une interprétation tendancieuse et paradoxale qui sera vite démentie par les concernés parce que les Maliens ont résolument choisi la voie de la paix et de la réconciliation pour une issue souveraine à leur crise. Cette réunion ordinaire de la CMA qui s’est tenue les 16 et 17 juillet derniers, en présence de représentants de la MINUSMA, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali et l’administration locale, a certainement été inspirée par le rapport de la Fondation Carter au sujet des blocages. De là à remettre l’accord d’Alger en question, il aura fallu le truchement de parties étrangères qui ont décidément du mal à se retirer du Mali…
Nordine Mzala