Lavrov y entame une seconde tournée début 2023 en Afrique : Jeux d’influences   L’Afrique, longtemps colonisée puis délaissée, fait à nouveau objet d’une nouvelle course à l’influence économique en raison de ses richesses, de ses importants marchés de consommation mais aussi parce qu’elle est au cœur d’un énorme tiraillement géopolitique entre les puissances du monde qui veulent changer la donne.

Le vice ministre des affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, a annoncé une nouvelle tournée du chef de la diplomatie russe Serguei Lavrov, en Afrique début 2023. Cette tournée qui sera effectuée en deux étapes entre janvier et février de l’année prochaine prévoit une halte dans 8 pays d’Afrique mais aussi «une communication bilatérale avec les ministres des Affaires étrangères des pays arabes, y compris, bien sûr, les pays arabes d’Afrique du Nord », a précisé M. Bogdanov, cité par l’agence Sputnik. L’Algérie sera donc parmi les pays au programme de M. Lavrov qui pourrait bien étendre sa tournée au Moyen-Orient. Il s’agira de la deuxième tournée continentale en moins d’un an pour le diplomate russe qui s’était déjà rendu en Égypte, au Congo-Brazaville, en Ouganda et en Éthiopie. Ce sera aussi la seconde halte du diplomate russe en Algérie. La première étant sa visite officielle de deux jours, en mai dernier, pour la signature d’un document stratégique servant de base aux relations bilatérales. En fait, entre l’Algérie et la Russie, la relation se renforce de plus en plus. Invité par son homologue russe, Vladimir Poutine, Abdelmadjid Tebboune est attendu à Moscou avant la fin de l’année en cours. Sur le plan économique, outre le document stratégique, l’adhésion aux BRICS, rapprochera encore plus l’Algérie du groupe présidé par la puissance sino-russe. La Russie voit encore plus grand et cherche à se rapprocher de l’Afrique. Grand partenaire commercial de l’Afrique en matière d’armement et d’agriculture (céréales et engrais), la Russie a aussi des intérêts dans le secteur minier africain mais sur le plan géopolitique, elle veut gagner de son côté cette moitié des pays africains qui n’a pas condamné l’invasion de l’Ukraine. Lors de cette seconde tournée, Lavrov ne manquera donc pas de renforcer l’influence croissante de la Russie dans le continent. D’ailleurs, cette tournée est à inscrire dans le cadre de la préparation de la seconde édition du sommet Russie-Afrique, prévu en juillet prochain à Saint-Pétersbourg. La première avait été tenue dans la ville de Sotchi en 2019, l’Algérie y avait pris part aux côtés de 43 autres chefs d’État et de gouvernement, représentée par feu Abdelkader Bensalah. «Nous avons envoyé des invitations à tous les participants [du dernier sommet], mais la tâche principale est de parvenir à une réunion productive. Bien entendu, nous comptons sur la participation représentative des délégations africaines de haut niveau», a déclaré l’ambassadeur itinérant, chef du Secrétariat du Forum de partenariat Russie-Afrique, Oleg Ozerov. Dans une interview publiée, hier, par le site tachadien Alwihda info, il a ajouté que «cela coïncide non seulement avec nos intentions, mais aussi avec celles de la plupart des États africains qui nous envoient des signaux positifs quant à leur volonté de participer à la préparation du forum». Il a souligné que la nouvelle édition comprendra, un véritable programme humanitaire dans les domaines de la science, de la culture, des médias ou encore du sport. Il s’agira aussi de coopération politique, commerciale, économique et d’investissements. La Russie fait donc un retour en force en Afrique. Il ne s’agit plus seulement d’un échange commercial sur le plan des armes mais d’un vrai partenariat avec les pays d’Afrique.

Mais sur ce terrain, elle n’est pas seule. Certes la France a perdu de son influence sur ses anciennes colonies et se retire mais les Etats-Unis veillent à barrer la route au Kremlin. Pour preuve, Washington a devancé la Russie en bouclant l’envoi de ses invitations pour accueillera à la mi-décembre, d’un sommet États-Unis-Afrique. Dans un document rendu public par les sites américains, il est souligné que le sommet Afrique-États-Unis qui se tiendra entre le 13 et le 15 décembre prochain,  comprendra des sessions qui porteront sur la diaspora et les jeunes leaders africains, la santé mondiale et la sécurité alimentaire ou encore le changement climatique, l’énergie et les investissements dans les infrastructures. Dans le même document, il est souligné que « le gouvernement américain travaille avec des gouvernements locaux et des organisations agricoles de tout le continent pour faire reculer la faim et investir dans la résilience et l’innovation agricoles..» A bien voir, nous sommes très loin de la politique Bush de militarisation de la présence américaine au nom de la lutte contre le terrorisme et des insultes et le désintérêt affiché par Donald Trump. Mais le réveil tardif américain pour l’Afrique risque ne pas aboutir non pas à cause de la concurrence russe uniquement mais aussi en raison des avancées de la Chine. Or, le pays du soleil levant a «driblé» tout le monde en organisant son dernier sommet «Chine-Afrique» à Dakar. Il a fait mieux avec l’annonce de Pékin de la suppression de 23 prêts sans intérêt pour 17 pays africains!  C’est dire qu’aujourd’hui, l’Afrique, longtemps colonisée puis délaissée, fait à nouveau objet d’une nouvelle course à l’influence économique en raison de ses richesses, de ses importants marchés de consommation mais aussi parce qu’elle est au cœur d’un énorme tiraillement géopolitique entre les puissances du monde qui veulent changer la donne. L’Afrique aujourd’hui compose tous les forums et dans toutes les langues  avec les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, la Turquie…Ces derniers mois, le continent était le théâtre d’un balai des puissances. Mais ces opérations de charmes auxquelles se livrent les puissances ne trompent plus les Africains. Ces derniers savent bien que les puissances sont uniquement préoccupées de mener leur guerre d’influence économique. Face à eux, les Africains ne vont attendre de voir qui les aime le plus. Non, ils vont chercher à tirer profit de cette situation. Une période inédite pour l’Afrique qui pourrait, si elle est bien négociée par ses dirigeants, lui permettre d’accéder à la notion de « puissance ». L’Afrique est aujourd’hui en mesure de négocier un New Deal avec l’industrialisation du continent  et avec c’est 30% des minerais mondiaux, 21% de la production d’or, 46% de la production de diamants, 75% de la production de platinium… L’avenir du monde se passera en Afrique.