Pendant plus d’un an, l’enquête sur l’explosion dévastatrice au port de Beyrouth le 4 août 2020 avait été suspendue.
En cause : de fortes pressions politiques.Mais lundi dernier, le juge libanais chargé de l’investigation a décidé de la relancer. Les causes exactes de cette énorme explosion sont toujours inconnues tout comme l’identité des responsables. Elle a été imputée à la corruption et la négligence de la classe dirigeante, accusée aussi par les familles des victimes et des ONG de torpiller l’enquête pour éviter des inculpations. Le juge Tarek Bitar, contre lequel s’est liguée une grande partie de la classe politique, «a décidé de reprendre l’enquête» et d’inculper deux hauts responsables de la sécurité, a indiqué un responsable judiciaire sous couvert de l’anonymat. Il s’agit du directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, proche du puissant mouvement armé du Hezbollah et du chef de la Sûreté d’État, Tony Saliba, proche de l’ex-président Michel Aoun. «Le juge Bitar a lancé une bataille contre la politique d’impunité», a expliqué Nizar Saghié, directeur de l’ONG Legal Agenda. «La confrontation sera rude», a-t-il ajouté, expliquant s’attendre à «des interférences et des pressions politiques» pour l’empêcher à nouveau de poursuivre son travail. En plus des deux hauts responsables de la sécurité, six autres personnes ont été inculpées. Toutefois, le juge n’a pas précisé dans l’immédiat les raisons de cette décision. Mais avant la suspension de l’enquête en décembre 2021, le magistrat avait voulu interroger les deux hommes, soupçonnés comme d’autres responsables politiques et de la sécurité, d’avoir été au courant de la présence du nitrate d’ammonium, mais de n’avoir pris aucune mesure. Le juge Bitar a dans le même temps ordonné la libération de cinq personnes, dont l’ex-directeur des Douanes Chafic Merhi, toutes arrêtées depuis le drame sans jugement. Pour rappel, le 4 août 2020, des centaines de tonnes de nitrate d’ammonium stockées dans un entrepôt au port explosent. Conséquences : plus de 200 morts et 6.500 blessés, outre les destructions et le traumatisme national.