Mardi, la Grande mosquée de Paris a demandé aux pouvoirs publics «des éclaircissements» sur «les circonstances qui ont conduit plusieurs chefs d’établissements scolaires à recevoir une demande d’évaluation du taux d’absence des élèves le 21 avril, jour de fin du Ramadhan. «Ces faits préoccupants amènent la Grande mosquée de Paris à demander instamment aux pouvoirs publics les éclaircissements les plus complets sur cette situation anormale», a écrit le recteur, Chems-eddine Hafiz, dans un communiqué, jugeant que «les réponses apportées (…) paraissent insuffisantes». Et de déplorer «cette demande de recensement jette encore une fois l’opprobre sur les musulmans de France» appelant les pouvoirs publics à la «vigilance» dans le respect de la laïcité et invite au «discernement» pour éviter les amalgames entre la pratique de l’Islam et l’extrémisme. Il s’agit là, pour rappel, d’une affaire qui a éclaté il y a quelques semaines. Des établissements scolaires de certains départements français ont reçu une demande d’estimation de l’absentéisme le jour de l’Aïd-el-Fitr. Une note qui a suscité dans les milieux scolaires en France des craintes. Le signataire de la note, selon Le Monde, un haut fonctionnaire du service départemental de l’Éducation nationale, demandait une estimation de l’impact éventuel de cette célébration sur les résultats des élèves et le taux d’absentéisme. Dès le lendemain, le directeur académique des services de l’Éducation a fait machine arrière en écrivant : «Je vous prie de ne pas tenir compte du mail reçu le 11 mai à 8h35». Il a aussi présenté ses excuses aux destinataires du premier courrier électronique. Cette requête a suscité l’indignation des communautés éducative, syndicale et musulmane. Le ministère français de l’Intérieur, par la voix de la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté, Sonia Backès, a admis avoir demandé une «évaluation du taux d’absentéisme constaté à l’occasion de l’Aïd el-Fitr» mais a nié tout «fichage». «Cette demande d’évaluation porte atteinte à la liberté religieuse et jette encore une fois l’opprobre sur les musulmans de France», regrette Chems-eddine Hafiz, rappelant qu’«un dispositif réglementaire donne la possibilité aux élèves d’être absents à l’occasion de leurs fêtes religieuses». Interrogée mardi à l’Assemblée nationale, Sonia Backès a démenti tout «fichage des élèves en fonction de leur appartenance religieuse dans l’école de la République». Pour autant, «oui, il y a un suivi, sur tout le territoire national, du déroulement général des fêtes religieuses dans la sphère publique», a-t-elle ajouté. Sonia Backès a reconnu une maladresse: «Oui, la demande a peut-être été formulée de manière maladroite. Mais non, demander des informations générales sur l’impact des fêtes religieuses ne signifie pas de quelconques intentions agressives à l’égard d’une quelconque religion», a-t-elle soutenu. Des explications loin d’être satisfaisantes car l’enquête lancée n’a d’autre signification que la considération de la pratique de la religion musulmane comme une question de sécurité intérieure ! Est-ce qu’une telle demande a été formulée pour connaître l’absentéisme lors des fêtes juives par exemple ? Il s’agit là d’une atteinte au principe de laïcité dont est tant fière la France. Faut-il rappeler que sur papier et depuis 2004, la France a «pondu» une circulaire ministérielle prévoyant que «des autorisations d’absence doivent pouvoir être accordées aux élèves pour les grandes fêtes religieuses», dont la liste est désignée par l’Éducation nationale. L’Aïd-el-Fitr et l’Aïd el-Kébir y figurent. Mais dans la pratique, il semble bien, que c’est tout autre chose! En plus, il ne s’agit pas là d’un seul acte discriminatoire envers les musulmans de France. Le 11 mai dernier, la Grande mosquée de Paris avait dénoncé des propos du ministre de l’Education Pap Ndiaye qui avait évoqué une corrélation entre le mois de Ramahdan et la montée des actes d’atteinte à la laïcité dans les établissements scolaires de France.
Amine Ghouta