Et cependant, un peu à la même époque il avait joué dans un autre film éponyme : le vent du sud, adapté du roman d’Abdelhamid Benhadouga par Mohamed Slim Ryad, un autre grand du cinéma algérien… Boualem Bennani y campe le rôle du berger Rabah, qui vient au secours de Nefissa, étudiante à Alger rentrée au village pendant les vacances d’été, et que son père, un riche propriétaire foncier, veut marier au maire du village… Après avoir fait une fugue, cette étudiante interprétée par Nawal Ezzatar, finit par se blesser, et Rabah la retrouve perdue et errant dans les montagnes, il la ramène à la maison et la fait soigner par son père… Par cet acte, Rabah prend conscience de sa situation d’exploité, et donc il va se révolter et s’ouvrir à la modernité, à l’époque où la campagne pour la révolution agraire battait son plein…
Boualem Bennani n’était pas un novice, loin s’en faut… Il avait commencé à s’intéresser au théâtre et à l’actorat vers l’âge de 16 ans, dans un centre de vacances, où des professionnels connus faisaient de l’animation, comme Hassan el Hassani, Kaki, Alloula, Mohamed Boudia… J’ouvre ici une parenthèse pour dire que c’est une information importante que des stars de la scène et de l’écran faisaient de l’animation dans les centres de vacances au milieu des années soixante. Ce fut dans ce centre justement que le jeune Boualem se prit de passion pour les planches, et donc logiquement, il va parfaire ses connaissances et sa technique en s’inscrivant à l’Institut national des arts dramatiques de Bord el Kiffan (INADC).
Il a donc été remarqué par le réalisateur Merzak Allouache, qui va lui offrir ce rôle en or, et grâce à quoi sa carrière fut lancée… Omar Gatlatou (Omar l’a tué, il s’agit bien entendu de la redjla)… Boualem y campe le rôle d’Omar, un petit employé affecté au service des fraudes… Il sera chargé entre autre de faire des descentes pour prendre en flagrant délit celles qu’on appelle les delalat (les vendeuses clandestines de bijoux en or, dans certaines ruelles de la capitale, comme la rue Hariched (derrière les galeries algériennes) ou du côté d’Oued Kniss… Il vit chez ses parents avec ses frères et sœurs dans un petit appartement exigu de Climat de France, dans une promiscuité étouffante, ce qui était le lot de nombreuses familles algéroises. Son passe-temps favori, c’est la musique chaabi et les chansons hindoues… Il a une minicassette sur laquelle il enregistre ses morceaux favoris… Quand il ne passe pas voir ses amis au café du Mouloudia, il va au cinéma Dounayazed écouter et enregistrer des chansons hindoues… Jusqu’au jour où il est agressé par une bande de voyous qui lui piquent son poste cassette. C’est ce qu’on appelle l’incident déclencheur : Un de ses amis, Aziz Dega, lui dégote un autre poste-cassette, et lui offre même une cassette vierge… Surprise : dans cette dernière est enregistrée la voix d’une jeune fille… C’est le début d’une romance platonique, qui reflète la vie amoureuse d’un jeune de quartier. . Ce film, on le sait aura un écho retentissant, même au-delà des frontières, du fait justement de son originalité, de la peinture d’un quartier populaire, la vie des jeunes à Alger, au milieu des années soixante-dix. Et c’est dans ce film qu’on va aussi voir un récital animé par Abdelkader Chaou, et quelques numéros du regretté Aziz Dega…
Boualem Bennani va jouer dans beaucoup d’autres films, comme les enfants du vent, le clandestin de Benamar Bakhti, ou bien dans des feuilletons et des sitcoms comme Djamai Family, mais c’est le personnage d’Omar Gatlatou qui l’a marqué à jamais. On signalera qu’on l’a également retrouvé dans la série Eddama, de Yahia Mouzahem, aux côtés d’autres stars comme Bayouna, Mustapha Laribi, Rym Takouchet… Ce feuilleton qui a cartonné durant le Ramadhan, à l’échelle du monde arabe, est tourné dans un décor populaire familier de Boualem Bennani, celui de Bab el Oued, même si le comédien a pris de la bouteille.
Ahmed B.