On croyait qu’avec le temps et le vieillissement de la génération des nostalgiques de l’Algérie française, la barbarie du colonialisme serait reconnue dans un esprit de repentir séant à la culture judéo-chrétienne de la France. Malheureusement, il existe encore aujourd’hui un lobby de la droite radicale, héritière du discours haineux de certains pieds-noirs, pour glorifier «l’œuvre coloniale». Ce nouvel épisode du débat sur les prétendus bienfaits de la colonisation nourrit l’offense révisionniste qui crispe les relations entre les deux rives.
Mythe révisionniste
Les mythes ont la peau dure malgré le bon sens, l’objectivité scientifique. Malgré le temps qui passe. Ainsi il est encore de bonnes gens pour croire que la colonisation fut une mission civilisatrice chez des peuples arriérés. Une thèse nauséabonde qui ignore sciemment les violences commises pour soumettre les autochtones à l’autorité du système colonial. Cette approche historique se contente de faire valoir des réalisations en matière d’infrastructures, de service public sur les territoires conquis et spoliés en oubliant que c’était surtout pour les colons que ces progrès étaient réalisés quand 99 % des indigènes vivaient dans les milieux ruraux ou des quartiers très pauvres, dépourvus de toutes commodités, affamés. Ni l’accès à l’école, ni la scolarisation n’étaient possibles pour les colonisés, hormis les membres des familles de bachaghas ou caïds serviteurs du régime colonial. La version défendue dans le contenu de la loi du 23 février 2005, qui a été finalement annulée, est donc reprise par ces nostalgiques de l’ordre colonial qui fabulent sur des bienfaits qui n’ont aucune réalité historique.
Macron en otage
C’est pourquoi, les propos de polémistes qui n’ont pas vécu cette sombre période d’injustice et de spoliation, heurtent les descendants de colonisés en général et les Algériens en particulier. Des propos déplacés comme ceux de monsieur Bruno Retailleau, sénateur de droite qui a déclaré : «il faut souligner aussi ce que la France a apporté de positif : la scolarisation des enfants, l’accès à la santé…».
La manipulation de l’Histoire est là
Une tirade sur les réseaux sociaux à laquelle répond un internaute, Aurélien Taché… «Honte à vous. C’est l’héritage colonial, son lot de crimes et notre prédation économique qui est en train de vider l’Afrique de ses ressources et provoque la colère populaire. Ces déclarations font le nid de l’anti-France et le bonheur de l’impérialisme russe ! Pire des manières de construire l’avenir». D’autres femmes et hommes politiques ont porté la contraction à la thèse de Retailleau. On retiendra ce tweet de la députée Sandrine Rousseau : «La colonisation a été un envahissement, une prise de possession unilatérale de pays entiers. On arrête avec l’idée que c’était ‘une histoire d’amour’ (Macron) avec de ‘belles heures’ (Retailleau), ou que la décolonisation a été un ‘arrachement à la terre natale’ (Gonzalez)… » Mais, il semblerait que le président de la République, Emmanuel Macron, ait été quelque peu censuré par cette grande partie de la classe politique française qui refuse d’assumer le passé barbare de la France colonialiste. Ce qui expliquerait les inepties du Président français au sujet de l’histoire de l’État algérien…
130 ans de crimes
A ce sujet, les tergiversations autour des notions de repentance, d’excuses, de regrets ou de reconnaissance participent à développer des discours révisionnistes indécents. Or, crânes et ossements de résistants algériens, vestiges de fours crématoires ou à enfumage, archives de témoignages émouvants sur les massacres et exterminations de tribus entières d’Algériens par l’armée coloniale, torture, exécutions sommaires, mutilations, viols, condamnation aux travaux forcés, exil vers des bagnes lointains de Cayenne ou d’ailleurs, razzias, pillage, expropriation ou séquestre de terres ancestrales… la liste des crimes qui ont été perpétrés pendant 130 ans en Algérie, par les colons français, semble infinie. C’est l’histoire de la barbarie française dans son entreprise de colonisation de peuplements qui consistait à occuper l’espace en asservissant les autochtones par la misère et la répression. Le génocide. Laisser dire aujourd’hui qu’il y a eu de «belles heures sous la colonisation pour les colonisés», c’est insulter la mémoire de plusieurs millions d’Algériennes et d’Algériens suppliciés. Un crime de plus, moral, que l’Algérie indépendante et souveraine ne tolérera jamais. Parce que je sang des Glorieux Martyrs ne sèchera jamais.
Maya Loucif